mercredi 30 novembre 2016

Les têtes carrées...

Jusqu'aux années 1960, dans mon quartier d'enfance (quelques km carrés de maisons ouvrières entre l'église Saint-François d'Assise et la rivière des Outaouais), à Ottawa, le français était largement la langue de la rue. Mais dès qu'on arrivait sur la grand-rue (Wellington), ou qu'on s'aventurait vers la haute-ville ou le west end de la capitale, l'anglais s'affirmait en roi et maître…

On découvrait assez rapidement que bon nombre de ces Anglais ne nous aimaient pas, je suppose parce que nous parlions français. Sûrement pas parce que nous étions Québécois. Nous étions aussi Ontariens qu'eux, dans le cas de ma famille depuis quatre ou cinq générations. Mais il suffisait de parler français, en autobus par exemple, ou pire, d'arborer un signe de notre nationalité (disons, un gilet des Canadiens de Montréal), pour qu'on se fasse traiter de frog par quelque jeune Anglo…

À l'adolescence, quand j'ai dû fréquenter une école secondaire bilingue au centre-ville (tous les high schools de notre secteur étaient anglais), il m'est arrivé à l'occasion d'entendre speak white… Ce qu'on découvrait, en tout cas, c'est qu'à l'exception des rares quartiers où nous étions majoritaires, les francophones n'étaient pas les bienvenus dans cette ville. Et comme nous n'avions pas d'équivalent pour frog à relancer aux Anglais, on les traitait de têtes carrées.

Personne ne savait trop d'où provenait cette expression, et les anglophones n'avaient sûrement aucune idée du sens de notre répartie. Nous non plus. Mais c'était ce que disaient nos parents et leurs amis, alors nous en avons hérité… sans doute comme les jeunes Anglos transportaient les injures racistes des générations précédentes. Une chose était sûre… «tête carrée» c'était toujours la réplique. L'insulte venait invariablement des anglophones et pour moi, en tout cas, l'expression «tête carrée» était strictement réservée à un Anglo hostile, à un Anglo ouvertement francophobe…

Aujourd'hui, quand j'ai pris connaissance de la décision de Rogers de se débarrasser de la majorité de ses avoirs et employés francophones, à l'exception de six numéros du Châtelaine, j'ai traité les auteurs de ces mesures de têtes carrées et soulevé, ce faisant, l'ire de quelques fervents anti-séparatistes sur Twitter, qui y voyaient sans doute une manifestation de mes préjugés «péquistes». À les lire, ces gens semblent voir des séparatistes partout…

Il serait intéressant de savoir si cette expression est toujours utilisée aujourd'hui, ou si elle est confinée à la mémoire de gens qui, comme moi, ont grandi avant la Révolution tranquille. Je l'ai cependant employée dans le sens qui est le mien, comme réplique à ce que je percevais comme une attaque contre la francophonie en provenance de la majorité anglo du Canada. Pour la décision de mettre la clef dans sa porte de L'actualité, et ses mises à pied d'au moins deux tiers du personnel de langue française, la direction de Rogers se comportait en «tête carrée».

Et à mes fidèles quasi-trolls, sachez que j'ai appris à manier cette expression en Ontario, comme bon Franco-Ontarien, dans les rues d'Ottawa, et que je l'ai ramenée avec moi en emménageant au Québec dans les années 1970…

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NB - Je me suis donné la peine de vérifier l'origine de l'expression et voilà ce que j'ai trouvé dans le dictionnaire en ligne L'intern@ute:

«D'origine québécoise, cette expression date des débuts de la colonisation du Canada. En effet, les Français, déjà installés, voient des Anglais arriver. Ceux-ci construisent des maisons carrées et dont le toit adopte la même forme. Les relations n'étant pas toujours au beau fixe entre français et anglais, les Français décrivent les Anglais comme étant des têtes carrées en rapport avec leurs maisons et pour qualifier leur entêtement.»

Décevant… j'espérais quelque chose de plus flamboyant comme explication…


mardi 29 novembre 2016

Si les batteries sont à terre, dites-le!


Il y a trois ans, presque jour pour jour, le 30 novembre 2013, la grande caravane de consultation pilotée par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) avec ses deux alliés, la FESFO (étudiants du secondaire) et l'AFO (Assemblée de la francophonie de l'Ontario), s'amenait à La Cité collégiale, à Ottawa, au terme d'un périple qui l'avait mise en communication avec des francophones aux quatre coins de cette province grande comme un pays.

Cette consultation, intitulée États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, avait pour but de dresser un constat de l'éducation collégiale et universitaire en français, puis de mijoter une stratégie pour combler les brèches (substantielles) et assurer une gouvernance franco-ontarienne de l'ensemble de l'offre post-secondaire de langue française. Le sommet de cette pyramide éducative serait bien sûr la mise en place d'une université de langue française pan-provinciale.

Pourquoi en aurait-il été autrement? Pourquoi aurait-on embarqué dans cette aventure les collectivités francophones de l'est, du nord, du sud et de l'ouest ontariens si l'objectif n'avait pas été d'en arriver à une institution universitaire «par et pour» les Franco-Ontariens de toutes les régions? Au primaire, au secondaire et au collégial, des réseaux francophones avaient vu le jour, partout. Il était logique, et pleinement justifié, d'aborder l'universitaire de façon similaire.

«Après l'obtention de douze conseils scolaires et deux collèges francophones pendant les années 1990, la création d'une institution universitaire de langue française demeure la dernière brique de l'édifice institutionnel éducatif en Ontario français», pouvait-on lire dans le fascicule d'information des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français. Accès, gouvernance, à tous les niveaux, partout dans la province. C'était le mot d'ordre, ferme et clair.

Tout ça… pour ça?

Alors aidez-moi à comprendre, quelqu'un, parce ça ne tourne plus rond dans cette campagne, la plus récente, qui dure depuis 2012, en faveur d'une université franco-ontarienne. Après une vaste tournée dans toutes les régions où le thème de la gouvernance a été le fil conducteur, et où il a été énoncé clairement que les universités bilingues à Ottawa et Sudbury faisaient partie du problème, comment se fait-il que l'on se trouve dans une situation où le gouvernement ontarien met sur la table un seul campus universitaire dans une seule région, celle de Toronto, et que tout le monde se met à prendre ce campus (qui sera prêt quand? qui accueillera qui?) pour «l'université de langue française» de l'Ontario…

À un moment donné, quelque part, le gouvernement Wynne - à l'époque de Madeleine Meilleur - a décidé de cibler le centre-sud-ouest (Toronto) parce qu'il y avait là un vide moins compliqué à combler. On ne pilait pas sur trop de gros sabots, comme à Ottawa ou Sudbury. Queen's Park n'a pas caché son jeu et a commandé un rapport sur les besoins dans le centre-sud-ouest. De ce rapport est issu le projet du campus, que tout le monde semble désormais prendre pour l'université franco-ontarienne… même dans les médias!

On pouvait toujours espérer qu'il ne s'agirait que de la première marche d'un escalier en spirale qui ferait éventuellement le tour des régions, mais voilà que l'annonce cette semaine des membres du «conseil de planification pour une université de langue française» confirme le pire. Tous ces membres sont issus de la région du centre-sud-ouest. Leur mission est clairement régionale, pas provinciale. De fait, à Toronto, on semble croire que c'est exactement ça que les Franco-Ontariens demandent depuis 2012, et que tous devraient se lever et applaudir.

Mais qu'attendent les promoteurs du projet d'université de langue française pour frotter les oreilles de ce gouvernement impudent? On n'aborde pas l'universitaire là où ça compte le plus, Ottawa et Sudbury (et Hearst). Faut pas s'en surprendre, ce n'était pas dans le mandat du comité. Il n'y a apparemment aucun problème dans ces régions. Madeleine Meilleur l'avait dit: l'Université d'Ottawa dessert fort bien les francophones…  (Quinte de toux…) LE REFO, la FESFO et l'AFO vont-ils rappeler ce gouvernement à l'ordre? Ou a-t-on remué mer et monde dans toutes les régions depuis 2012 pour un seul campus, indéfini, dans la région de Toronto?

Je n'ai pas besoin d'argumenter sur les effets néfastes des institutions bilingues pour les francophones en milieu minoritaire. Les dirigeants franco-ontariens en sont pleinement conscients. Les organismes étudiants et l'AFO qui ont mené la campagne sont campés devant le Rubicon. Traverseront-ils, boucliers levés, pour affronter ceux et celles qui, se prétendant leurs amis, les laisseront tomber au moment décisif, ou resteront-ils assis bien sagement dans un silence coopératif avec l'espoir de récupérer un meuble ça et là pendant que l'édifice s'écroule?

Ciel que cette cause est juste! Les Franco-Ontariens demandent bien moins que ce que les Anglo-Québécois ont toujours eu, depuis la Confédération. Le gouvernement ontarien, au cours du dernier siècle, a détourné à d'autres fins des milliards de dollars qui auraient du être consacrés à l'éducation en français. Invoquer les limites budgétaires, c'est de l'indécence! La cause est juste et inattaquable! Mais pour espérer gagner, il faut la mener en gardant le cap, sur la place publique, avec les risques que cela comporte.

S'il ne reste plus de volonté, d'énergie, si les batteries sont à terre, dites-le. Et on n'en parlera plus.





lundi 28 novembre 2016

Fidel Castro: qui suis-je pour juger?

La caricature du Droit, une des meilleures, par Guy Badeaux

Héros pour les uns, dictateur brutal, les deux à la fois… Sur tous les continents, qu'on campe à gauche ou à droite, ou qu'on tente de manoeuvrer tant bien que mal sur les ponts, les jugements variables sur Fidel Castro n'ont surpris personne. Mais je vais me risquer en affirmant que l'ex-leader cubain occupe une place spéciale au Québec, et que sa disparition a remué quelques-unes de nos tripes nationales, bien au-delà des considérations habituelles sur le socialisme, le capitalisme et la démocratie.

Dans sa préface au recueil de nouvelles Bande de caves*, le professeur Claude Germain, évoquant l'auteur du recueil, Omer Latour, membre des premières vagues felquistes (1964), écrit ce qui suit: «Pour Omer, la situation du Québec présentait des affinités certaines avec la situation cubaine d'avant la révolution castriste. (…) Il vouait une grande admiration à ce petit peuple d'exploités qui avait eu un jour le courage de se mesurer à un géant, son riche voisin américain.»

En 1959, quand Fidel Castro est entré victorieux à La Havane, nous avions en commun avec les Cubains d'être un petit peuple, d'avoir été longtemps dominés par des intérêts étrangers et d'avoir comme voisins immédiats les États-Unis d'Amérique. La révolution de Castro du début des années 60 a été parfois violente et radicale, tandis que la nôtre a reçu l'épithète de «tranquille». Ceux qui, comme Omer Latour, ont voulu suivre la trace de Castro ici ont échoué. Les «us et coutumes» du Québec ne s'y prêtaient pas et ne s'y prêteront jamais.

Malgré tout, pendant que nous essayions maladroitement de nous libérer par à-coups, avec la nationalisation des compagnies d'hydro-électricité après 1962, par des tentatives occasionnelles d'imposer notre langue malmenée, jusqu'à la Loi 101, sans oublier la montée des mouvements indépendantistes, le tout en utilisant les moyens du bord offerts par une démocratie où les dés économiques étaient toujours pipés (contre nous), on voyait Cuba sous Castro tenir tête - en en payant le prix - à la première puissance du monde.

J'étais à l'université à l'époque où l'image du Che avec son béret étoilé, sa barbe et ses cheveux longs avait remplacé les crucifix des années précédentes. Il était l'ambassadeur de Castro et de sa révolution au sein de peuples véritablement opprimés de l'Amérique latine. Nous avions beau être pacifistes, nous savions que ces peuples étaient violentés par le grand capital américain, par des intérêts mafieux et par des régimes militaires sans pitié. On avait laissé les Américains voler nos ressources naturelles sans lever le petit doigt, mais là-bas, on donnait la réplique.

La CIA avait essayé d'envahir Cuba en 1961, sans succès. De la crise des missiles de 1962, Cuba avait au moins obtenu la promesse que Washington ne tenterait plus de l'attaquer militairement. Et en 1963, en 1964, le pays qui faisait la morale (avec raison) à Fidel Castro au sujet de la démocratie et des droits individuels bafoués permettait sur son propre sol des crimes quotidiens contre les Noirs et les militants des droits civiques dans les États sudistes, en plus d'autoriser (voire ordonner) des assassinats et des coups d'État dans les pays qui osaient remettre en question l'ordre économique américain. Malgré tout, Castro tenait tête au puissant voisin… quoique en s'associant à l'ogre soviétique tout aussi sanguinaire.

Le début des années 70 annonçait enfin l'espoir d'un socialisme démocratique avec l'élection de Salvador Allende au Chili… et des militaires quasi-nazis pro-américains l'ont renversé et assassiné le 11 septembre 1973… Pendant ce temps, Castro restait invincible à 150 km de la Floride… Puis ce fut cette suite, qui nous semblait ininterrompue, de meurtres sauvages de défenseurs des droits de la personne par les militaires , y compris celui de Mgr Romero, en pleine église, en 1980… Pendant ce temps, Castro survivait à des centaines de tentatives d'assassinat… Invincible…

L'empire soviétique s'est effondré à la fin des années 1980, les présidents américains se sont succédés, la plupart des régimes militaires sud-américains se sont affaissés, la révolution tranquille du Québec s'est essoufflée… et Castro se maintenait au pouvoir. Il a fait ça pendant 50 ans, avec l'appui sans doute majoritaire de son peuple, qui aurait sûrement souhaité plus de liberté mais qui se souvenait que les prédécesseurs de Fidel étaient pires que lui et qui voyaient les souffrances et l'exploitation dans d'autres pays dits démocratiques.

Alors ici au Québec, quand on voit Fidel Castro et Cuba, et qu'on se regarde dans le miroir, on se dit parfois que nous avons protégé l'essentiel de nos libertés et qu'aujourd'hui, le prix qu'on risque de payer, c'est peut-être le salut de notre âme collective. Aurait-on pu protéger nos libertés et mener notre révolution tranquille à terme, vers la souveraineté? Sans doute. Nous pourrions toujours le faire avec un sursaut de fierté au bord du précipice. Les Cubains sous Fidel ont beaucoup gagné, mais sacrifié la liberté d'expression et la liberté de presse. Est-ce un tribut trop lourd? Je crois que oui, mais…

J'aime croire que j'aurais appuyé Fidel et le Che dans les années 50… et que par la suite, dans un Cuba démocratique et socialiste, j'aurais aussi voté pour eux lors d'élections véritablement libres. Mais j'ai aussi la conviction qu'avec le virage autoritaire du régime, j'aurais continué à m'exprimer librement et qu'un bon jour, des gens en uniforme auraient frappé à ma porte, et je leur aurais dit, comme Jean Ferrat en 1968 après l'entrée des Soviétiques à Prague : «Que venez vous faire camarades? Que venez-vous faire ici?»

Alors Fidel, pour ta résistance salutaire à la puissance écrasante du voisin, je t'admire. Pour avoir piétiné la dissidence et l'avoir fait croupir dans tes prisons, je te condamne. Mais comme dirait François, qui suis-je pour juger? Nos petits peuples latins avaient le même voisin et le même désir de liberté. Nous avons choisi des voies différentes mais restons, quelque part dans nos tripes, liés. Je fais confiance à l'histoire. Avec le recul, son jugement saura faire la part des choses.

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* Latour, Omer, Bande de caves, Les éditions de l'Université d'Ottawa, 1981


samedi 26 novembre 2016

Nos caisses-quasi-banques jadis populaires...

Le siège social de ma caisse jadis populaire...

Quasiment à chaque année, quelque chose vient me convaincre que ma caisse jadis populaire (et pourtant de plus en plus grosse…) n'a plus grand chose à voir avec les valeurs de coopération à l'origine de ce mouvement qui rassemble aujourd'hui plus de 7 millions de personnes, principalement au Québec mais aussi dans les collectivités acadiennes et canadiennes-françaises des autres provinces.

Si ce n'était du fait qu'on continue de m'appeler «membre» plutôt que «client», j'aurais vraiment la conviction de faire affaires avec une banque… oh une banque bien de chez nous, mais ouais, disons-le, une banque… Cette institution bâtie sur les dollars et les cents et l'engagement d'innombrables petits épargnants de nos villes et villages et campagnes déroule davantage ses tapis rouges, ces jours-ci, pour les portefeuilles gras de sociétaires plus fortunés…

Le détenteur d'un compte de misère et le membre dont les comptes débordent d'épargne et de placements ne sont pas traités sur un pied d'égalité… Et pourtant, l'apparence ou la réalité d'une telle situation constitue un affront à la raison d'être des caisses Desjardins. «Contrairement aux banques ordinaires, il s'agit d'une association de personnes et non de capitaux», peut-on lire dans l'Histoire du Mouvement Desjardins. Chaque membre ne dispose que d'un seul vote, peu importe la valeur de ses avoirs.

Encore aujourd'hui, en 2016, sur son site Web, Desjardins rappelle que le réseau coopératif est la «propriété des membres», qu'il est «administré par eux» et que sa mission inclut «faire l'éducation, à l'économie, à la solidarité» auprès «des membres, des dirigeants et des employés». Parmi les valeurs fondamentales du mouvement Desjardins, on cite notamment «la démocratie, l'égalité, l'équité et la solidarité».

Il y a longtemps que Desjardins «impose» les méga-fusions des petites caisses populaires locales érigées pendant des décennies par des citoyens et citoyennes aux moyens modestes, convaincus par la philosophie de la coopération. Dans ma grosse caisse pas populaire du tout de Gatineau, dont le siège social luxueux fait pâlir d'envie toutes les succursales des grandes banques de la métropole outaouaise, les pauvres ne sont plus chez eux…

Certains services de ma caisse (de toutes les caisses sans doute…) coûtent même plus cher aux petits épargnants qu'aux membres mieux nantis. À chaque fin de mois, ma caisse jadis populaire impose des frais fixes de 9,95$ (dans les comptes chèque), quand les soldes sont inférieurs à 4000 $. Je n'ai pas de statistiques mais j'ai l'impression que pour la majorité des gens, l'objectif d'avoir des milliers de dollars en réserve dans un compte chèque, sans interruption, est rarement atteint. On guette le plus souvent les fins de mois en espérant que les dépenses et revenus soient relativement équilibrés…

Ce que cela signifie, c'est que tous ceux et celles qui peuvent maintenir des soldes de 4000 $ et plus dans leur compte n'ont pas à payer ces frais fixes de 10$ par mois. Alors si j'ai bien compris, ma caisse jadis populaire appauvrit ses membres à capacité d'épargne plus modeste en leur arrachant 120$ par année, une somme que les portefeuilles mieux garnis - et qui en ont moins besoin - n'ont pas à débourser. Comme esprit de solidarité, d'égalité et de coopération, c'est raté. De fait, j'ai rarement vu pire… Robin des bois à l'envers...

Quand j'étais enfant, j'allais à ma caisse alors populaire avec 10 cents, 25 cents, parfois 1$ et le déposait au comptoir avec mon livret, dans lequel mon dépôt était consigné à la main par une caissière. Ces jours-ci, alors que tout semble pouvoir se faire par Accès D et Internet, les caisses jadis populaires font tout pour éloigner les membres qui veulent poursuivre cette vieille tradition d'effectuer des transactions courantes aux locaux de la caisse, avec un vrai livret en papier. Quelle idée bizarre en 2016… un humain voulant rencontrer un autre humain dans un mouvement qui se dit coopératif, qui associe, rappelle-t-on avec insistance, des «personnes» et non des «capitaux».

Or, voilà que depuis juillet 2016 sont apparus dans de nombreux comptes chèque dont le mien, des frais mensuels de «tenue de compte» de 2,50$. Un autre 30$ par année qu'on me prend (alors qu'on ne verse à peu près aucun intérêt), et c'est, semble-t-il, parce que je tiens à mon livret, et à ma balade occasionnelle jusqu'au guichet de la caisse jadis populaire pour m'y faire servir par un humain et non M. (ou est-ce Mme) AccèsD… Depuis juillet 2016, on me dit que «le relevé de compte papier et le livret engendrent des coûts importants pour Desjardins», des coûts équivalents à ceux des «autres institutions financières» (les banques, je suppose)...

Si je faisais tout par ordi, si je laissais les couloirs du beau et grand siège social se faire arpenter par ceux et celles qui ont de vraies grosses affaires à brasser dans ma caisse-quasi-banque jadis populaire, et non pour obtenir du «petit change» pour un billet de 20$ (le seul billet que crachent les guichets automatiques) ou mettre le livret papier à jour, eh bien je n'aurais pas de frais de tenue de compte à payer… On me donnera toutes les justifications imaginables, ces frais n'ont rien de coopératif et tout des grosses bureaucraties bancaires gluantes…

On peut toujours contester ces irritants à l'assemblée générale annuelle de nos caisses jadis populaires, j'imagine. J'ai tenté ce coup deux fois dans les années 1990, avant les ultimes fusions qui ont fait des caisses de Gatineau une grosse machine obèse et invincible… À moins d'arriver avec quelques centaines d'autres membres ayant le même agenda que soi, et quelques avocats en soutien, les chances d'aller plus loin qu'une mention au procès-verbal sont plutôt minces…

Ma seule arme, c'est ma plume… et on me permettra de la tremper dans le vinaigre pour dire ma façon de penser aux décideurs (pas aux employés et cadres qui restent fort gentils et serviables) de nos caisses jadis populaires et du «mouvement» (!!!) Desjardins. La semaine dernière, j'ai rencontré un membre de ma caisse sans doute plus en moyens que moi, et son conseiller financier va le rencontrer à la maison… Je me demande combien de membres tirant le diable par la queue reçoivent un tel service…

Alphonse Desjardins se retourne-t-il dans sa tombe?




lundi 21 novembre 2016

Salut Jean-Pierre...

Un article non daté du Montréal-Matin de novembre 1966

Au milieu des années 1960, le quartier situé entre la grand-rue d'Ottawa (la rue Wellington) et la rivière des Outaouais, à l'ouest du pont des Chaudières et du «flatte» (les plaines Lebreton), conservait toujours ses airs de village franco-ontarien. Autour de l'église Saint-François d'Assise et de la caisse populaire du même nom, une grappe de commerces canadiens-français s'étiraient d'est en ouest, rue Wellington… y compris la bijouterie de Jean-Marc et Lucienne Lavoie.

Originaire du Bic, au Québec, M. Lavoie était un horloger de renom. À tel point que le Canadien National lui confiait l'entretien des montres de son personnel ferroviaire. Dans la minuscule bijouterie, Jean-Marc travaillait à son banc d'horloger, dans une petite pièce à l'arrière, scrutant à la loupe les entrailles de précieuses gardiennes de la seconde exacte  Un univers mystérieux pour nous, et aussi, un monde qui tirait à sa fin… Or, vers 1964 ou 1965, M. Lavoie embaucha un jeune homme d'une vingtaine d'années du quartier Saint-Henri de Montréal, Jean-Pierre Baril, qui voulait faire sien ce métier en voie de disparition et l'exercer près de chez lui.

En quête d'amitiés francophones durant son séjour de formation à Ottawa, il ne mit guère de temps à trouver ce groupe de jeunes du quartier - dont je faisais partie - qui organisait des activités culturelles et sociales sous la bannière de l'AJFO (Association de la jeunesse franco-ontarienne). Bon vivant, amateur de musique, joueur de trompette (qu'il apportait aux matches du Canadien au Forum), as du billard, Jean-Pierre fut des nôtres pendant une année ou deux, jusqu'à ce que les enseignements du vétéran horloger lui permettent de voler de ses propres ailes…

Ce jour-là, il retourna dans sa chère métropole, dans Saint-Henri, sur la rue Saint-Philippe, où il se maria et aménagea sa propre petite bijouterie, sur la rue Saint-Jacques, je crois, ou peut-être Notre-Dame, à quelques pas de son domicile. Ayant un handicap à une jambe, il était sans doute préférable pour lui de ne pas avoir à marcher trop longtemps. Nous l'avons revu par la suite à au moins un match de hockey, avec sa trompette et sa proverbiale bonne humeur. Heureux et toute sa vie devant lui…

Puis par un gris matin du début de novembre 1966, on nous annonça sa mort. Il n'avait que 21 ans. Mourir à cet âge c'est déjà tragique, surtout avec une jeune épouse qui était, si je me souviens, enceinte de leur premier enfant. Mais il y avait pire. On a appris qu'il s'agissait d'un meurtre, qu'un type l'avait empoisonné en versant du cyanure dans sa boisson gazeuse. J'ai conservé une coupure du journal Montréal-Matin d'il y a 50 ans (novembre 1966), mentionnant le crime sans ébruiter le nom de la victime.

La nouvelle nous avait bouleversés, et trois d'entre nous (moi, mon frère Robert et un ami, Pierre de Champlain) avons décidé de nous rendre à Montréal pour offrir nos condoléances à son épouse, à sa famille et à ses proches. Je n'étais jamais vraiment allé à Montréal comme «adulte» auparavant, et on y sentait de l'effervescence avec un centre-ville en ébullition, un métro flambant neuf et toutes ces nouvelles autoroutes qui transporteraient des millions de visiteurs à Expo 67 l'année suivante…

Après le charme et le «luxe» du rutilant métro, ouvert depuis à peine quelques semaines, le choc fut substantiel en arrivant dans la grisaille de Saint-Henri-en-novembre. Nous avions grandi dans un modeste quartier ouvrier à Ottawa, mais dans ce coin de Montréal, nous nous sentions tout à coup fortunés. J'ai encore en mémoire les devantures fades de petits commerces sur Notre-Dame et Saint-Jacques, et ces logements locatifs collés les uns contre les autres sur Saint-Philippe (comme un peu partout dans cette ville), sans oublier l'accueil plus que chaleureux de la famille, si reconnaissante que nous soyons venus de loin - pas si loin que ça - pour Jean-Pierre…

J'avais beau être Franco-Ontarien, je m'y sentais chez moi, dans cette grosse, grosse ville où beauté et laideur me pognaient aux tripes. Jean-Pierre Baril avait trouvé un nouveau chez-soi dans notre petite patrie à Ottawa, et nous étions accueillis comme des membres de sa famille par de parfaits inconnus à Saint-Henri. Je crois que ce jour-là, j'ai découvert qu'à Montréal, je m'étais rapproché un peu plus du coeur de notre nation de parlant-français d'Amérique. En tout cas j'en captais le pouls avec beaucoup plus d'intensité, dans ce quartier où grondait tout doucement le réveil d'un peuple, à l'ombre de Westmount…

Notez la pancarte St-Henri, ce 13 juin 1970, devant «Le Droit»

Ce qui était arrivé à Jean-Pierre Baril avait fait de Montréal une extension de mon vécu, jusque là à peu près exclusivement ontarien. Quelques années plus tard, en 1970, j'étais devenu journaliste au quotidien Le Droit et quand un conflit autour d'un cas de censure nous amena à protester dans la rue, au coeur d'Ottawa, devant l'édifice du journal, il y avait parmi les manifestants quelques Montréalais, dont une délégation du Comité ouvrier Saint-Henri… J'ai eu une pensée pour Jean-Pierre en les remerciant…

Je n'ai jamais eu d'autres nouvelles de son épouse, ou de son enfant s'il y a eu naissance. Elle est peut-être toujours vivante, et son fils ou sa fille aurait ces jours-ci près de 50 ans… Je voudrais qu'ils sachent que l'époux, le père, l'ami n'a pas été oublié. Que d'anciens copains franco-ontariens, certains devenus eux aussi québécois, l'ont toujours en mémoire… Salut Jean-Pierre...






vendredi 18 novembre 2016

Ottawa-Vanier… pot-pourri électoral...

Définition de pot-pourri: mélange hétéroclite de choses diverses.
Définition de hétéroclite: qui est fait d'un mélange bizarre d'éléments disparates.
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Bon, bien, je pense que ce texte de blogue sera jusqu' à un certain point un pot-pourri, quoique le fil conducteur reste l'élection partielle d'hier (17 novembre 2016) dans la circonscription provinciale ontarienne d'Ottawa-Vanier. Cet électorat m'intéresse parce qu'il compte une forte concentration d'électeurs franco-ontariens, même s'ils ne forment plus, comme jadis, la majorité des votants… Pour situer les non-habitués, l'hôpital Montfort s'y trouve… ainsi que la vieille Basse-Ville d'Ottawa et l'ancienne municipalité de Vanier…

Je savais depuis jeudi soir (hier soir au moment d'écrire ces lignes) que la candidate libérale Nathalie Des Rosiers avait été élue sans trop de difficulté. Le contraire aurait été surprenant. On cherche cependant le lendemain matin, dans le journal (Le Droit dans mon cas) et sur les sites Web locaux (principalement Radio-Canada), à remplir les cases vides autour du nom de l'élue… les résultats finals, les déclarations, l'ambiance, peut-être quelque analyse, des images. Enfin un peu de tout…

Comme ancien journaliste du Droit, ayant couvert des élections tant comme reporter que comme éditorialiste et cadre d'information, j'ai un faible naturel pour l'imprimé. À 6 heures du matin donc, ayant cueilli le journal sur le perron, je l'ai vite ouvert aux pages 2 et 3 (bit.ly/2g6gpBc)… pour finalement ne pas retrouver ce que je cherchais en tout premier lieu… le nombre de votes reçu par chaque candidat…

J'ai eu beau lire et relire… j'ai avalé une soupe de chiffres… plus de 200 partisans au local libéral, une centaine à la salle des conservateurs… 222 boîtes dépouillées sur 265 à 23 h (l'heure de tombée du journal, je suppose)… 4824 votes par anticipation… trois pourcentages (48% à Mme Des Rosiers, 29% au candidat du PCC André Marin, 15% à Claude Bisson du NPD)… mais pas les chiffres essentiels, ceux qui disent combien de voix favorisaient chacun, chacune des candidat(e)s… même pas un total partiel à l'heure de tombée…

Heureusement on pouvait se mettre sous la dent l'éditorial de Pierre Jury en page 14, qui nous livrait suffisamment d'éléments de contexte (pas de chiffres cependant) pour mieux saisir la portée de la victoire libérale et le poids politique de l'élue… juriste de réputation nationale et jusqu'à son entrée en politique, doyenne de la section common law de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa (un autre élément absent des textes de nouvelles, qui mentionnaient cependant que le candidat Marin était l'ex-ombudsman de la province).

Il ne faudrait surtout pas blâmer la reporter pour les manquements d'information. La direction du journal l'avait laissée seule pour couvrir sur les lieux, dans des délais fort courts, une importante élection partielle… Importante parce qu'elle est située au coeur du lectorat franco-ontarien du journal… importante par la présence de deux candidats vedettes dans une circonscription auparavant représentée par la ministre des Affaires francophones de l'Ontario, Madeleine Meilleur… importante par les enjeux qui continueront de défrayer les manchettes du journal pour les années à venir, y compris l'interminable dossier du bilinguisme officiel à Ottawa… importante aussi parce que la première ministre Wynne était en ville...

Dans les circonstances, elle s'est admirablement débrouillée… Quant à la direction du journal, peut-être doit-on se consoler qu'elle ait au moins délégué un scribe de la salle de rédaction… Récemment, au congrès annuel de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, il n'y avait aucune présence du Droit… et le pire, c'est que personne, même pas l'AFO, ne semble avoir protesté… du moins pas sur la place publique...

En comparaison, si je me fie au site Web d'Ottawa-Gatineau de Radio-Canada, la société d'État avait affecté trois journalistes à la couverture de la soirée d'élection dans Ottawa-Vanier… et cela paraissait dans la quantité d'information fournie aux auditeurs et lecteurs (bit.ly/2g4YIls)… On a cependant présenté Mme Des Rosiers comme doyenne à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa… De fait, elle est doyenne de la section common law… Mme Céline Lévesque est doyenne de la section droit civil…

Ça et là…

* Le taux de participation était de 36%, comparativement à 49% à l'élection générale de 2014… Je ne sais pas si 36% à une partielle c'est supérieur à la moyenne, mais moins de 50% à une générale, c'est proprement scandaleux! 

* La proportion du vote libéral a diminué de 55,5% à 48,6%… La part des conservateurs provinciaux a augmenté, de 22,3% à près de 30%… Le NPD a vu sa pointe de tarte passer de 13,3% à 15%… Les Verts se sont effondrés, chutant de 8% en 2014 à 3,2% en 2016…

* Les résultats en chiffres absolus: Nathalie Des Rosiers (lib.) 14 678; André Marin (PCC) 9023; Claude Bisson (NPD) 4544; Raphaël Morin (PV) 972…

* Il y avait au total 11 candidats représentant des partis parfois bizarres… Le meneur des marginaux, avec 399 voix, était Elizabeth de Viel Castel, représentant le parti Stop the new Sex-Ed Agenda… 

* Vous voulez connaître quelques autres noms de partis à coucher dehors? Que diriez-vous du parti Aucune de ces réponses? Ou encore le Parti pauvre de l'Ontario (Paupers en anglais)?

* les autres partis présents étaient le Peoples Political Party, le Parti libertarien de l'Ontario, le Canadian Constituents' Party, et le Parti de la liberté de l'Ontario…

* Le porte-étendard du Parti pauvre, John Turmel, a déjà été candidat à 89 autres élections… Il a déjà été élu… une fois!

* Si j'étais Marie-France Lalonde, députée de la circonscription voisine et successeure de Madeleine Meilleur à la francophonie, je m'interrogerais sur mon rôle futur à Queen's Park… L'arrivée de Nathalie Des Rosiers, un poids lourd politique, risque de brasser les cartes… à moins que Mme Wynne ne soit prête à commercialiser deux figures de proue francophones dans son cabinet...

* Le maire d'Ottawa, Jim «bilinguisme fonctionnel» Watson, doit se tortiller un peu… La nouvelle députée et future ministre a promis de tout faire pour que la ville d'Ottawa devienne officiellement bilingue à temps pour le cent-cinquantenaire de la Confédération (c'est très, très, très bientôt…).

À suivre…

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J'espérais trouver un bilan complet, avec une composante «où va-t-on maintenant?», dans l'édition du surlendemain (samedi 19 novembre) mais Le Droit n'a fait aucun suivi. Je ne comprends pas...






mercredi 16 novembre 2016

McGill… La pointe de l'iceberg...


Un dictionnaire, vous connaissez? C'est ce volume épais que trop peu de gens consultent… Il contient une liste interminable de mots, avec leur définition. Il suffit habituellement d'une petite vérification pour s'assurer qu'un mot ou une expression est employé correctement. Alors permettez-moi de commencer ce texte de blogue par quatre définitions du dictionnaire Larousse. C'est le sens premier de ces mots, celui auquel on les associera le plus promptement.

Enseigner: faire apprendre une science, un art, une discipline à quelqu'un, à un groupe, le lui expliquer en lui donnant des cours, des leçons. 
Enseignement: action, manière d'enseigner.
Cours: ensemble de leçons, de conférences données par un professeur et formant un enseignement.
Cursus: cycle des études universitaires sanctionné par une série de diplômes.

Alors souvenez-vous bien de ces définitions. Elles vous aideront à comprendre le grand mensonge entourant la langue d'enseignement à la future faculté satellite de médecine de Gatineau sous l'autorité de l'Université McGill. Dans un texte publié cette semaine (15 novembre 2016), le quotidien Le Droit reproduit cette dissimulation des faits en lui donnant un statut de vérité factuelle vérifiée. Je cite (voir photo du début): «La proportion de l'enseignement en anglais à la faculté de médecine… sera de 8%.»

Cela correspond aux proportions énoncées par le gouvernement Couillard lors de l'annonce du projet de faculté de médecine au début de septembre 2016. Je cite cette fois une manchette du Droit du 7 septembre 2016, titrée 8% de l'enseignement se fera en anglais. Le journaliste Mathieu Bélanger rapporte ici les propos du premier ministre Couillard lui-même:

Dans le nouveau cursus de l'enseignement de la médecine de McGill, cette formation théorique (en anglais) représente 8% du temps passé en classe par les étudiants, a précisé le premier ministre du Québec, Philippe Couillard. «Je ne vois aucun problème à ce ce que ce soit à 92% en français, a-t-il insisté. Je crois que les étudiants n'y verront aucun problème non plus.»

Essayer de mobiliser les gens en faveur d'une faculté 100% française dans un milieu où la version libérale officielle est le plus souvent parole d'Évangile n'a rien de facile. Voyons donc! 92% en français, de quoi vous plaignez-vous? Et, ajoute-t-on en bons colonisés, on est chanceux, c'est McGill! Le problème (rappelez-vous les définitions), c'est que cela ne correspond pas à la réalité. Mais pas du tout!

Le Droit, dans un texte signé par Justice Mercier, titrait quelques jours plus tard (lundi 12 septembre 2016): 8% du cursus, mais 50% des cours. N'oubliez pas les définitions… Je cite de nouveau:

Pendant les premiers 18 mois du programme de six ans, «les cours en visioconférence, qui seront diffusés à partir de Montréal et qui représentent près de la moitié du temps de formation (j'ajoute une nouvelle définition. Formation: action de donner à quelqu'un, à un groupe, des connaissances nécessaires à l'exercice d'une activité), seront en anglais. L'autre moitié du temps, les étudiants seront appelés à faire notamment de l'apprentissage par résolution de problèmes, ce qui se fera en français avec des ressources locales.»

Dans une lettre au Droit et au Devoir, publiée le 15 septembre dans le quotidien Le Droit, l'Université McGill reconnaît que les cours magistraux donnés présentement pendant les 18 premier mois de la «formation» sont en anglais, mais que cela représente «à peine 8% du cursus». Là ce se précise, et c'est fort différent du spin officiel du gouvernement…



Alors voici la réalité, et vous me direz comment on arrive à ce mythique 8% en anglais ou à ce tout aussi mythique 92% en français…

1. L'enseignement en classe, les cours donnés en matinée par un professeur (la théorie, la base, les fondements de la médecine) durent 18 mois et sont à 100% en anglais. On fait baisser la proportion à 50% en y ajoutant «l'apprentissage par résolution de problèmes» en après-midi. Les devoirs des étudiants, quoi… Ils ont droit de faire leurs devoirs en français… après avoir reçu un enseignement 100% en anglais…

2. Après les premiers 18 mois, les étudiants en médecine entreprennent leur transition à la pratique en milieu clinique, puis passent aux stages suivis de deux années de résidence. On tient pour acquis que cela se fera entièrement en français, sans garanties toutefois… Mais cela n'a rien à voir avec des cours donnés par un enseignant. Peut-être finira-t-on par ajouter d'autres cours à ceux qui existent déjà, après les premiers 18 mois, mais rien n'a été annoncé à cet égard…

3. Et on ne calcule pas dans le 8% d'anglais le temps que les étudiants devront passer à traduire vers le français leur vocabulaire spécialisé appris en anglais, ni les communications qui se feront, tout au moins à l'occasion, en anglais avec les profs, les étudiants de Montréal et l'administration universitaire… 

Que le seul quotidien de langue française de la région de Gatineau continue d'accréditer, même à la fin d'un texte non signé, une version des faits que ses propres journalistes ont prouvée contraire à la réalité, et qu'il a dénoncée en éditorial, est inacceptable. Et les autres médias ne font guère mieux. Sur le site Web de Radio-Canada on évoque toujours ce 8% d'anglais… sans précisions… Récemment, dans une émission de MaTV (Vidéotron), on n'a même pas évoqué la question de la langue d'enseignement, tellement le débat a été obscurci...

La population peut bien être indifférente aux appels en faveur d'une faculté de médecine de langue française (et ailleurs qu'à McGill). Les gens sont peu ou mal ou pas du tout informés. Et les mots perdent leur sens. Quand on mélange dans un bol médiatique cursus, enseignement, formation, cours et j'en passe, on obtient une salade indigeste… La pointe de l'iceberg… Misère…

jeudi 10 novembre 2016

Alarmiste? Avec Trump, OUI !!!

Image de la campagne Trump

Le cirque médiatique nord-américain est en pleine forme depuis le 8 novembre. Chacun, chacune y va de son tour de piste… jonglant savamment avec des chiffres de sondeurs, cherchant l'équilibre perdu sur un mince fil argumentaire, toisant l'éléphant qui vient d'envahir l'arène présidentielle, tirant de magiques analyses de son chapeau avec ses baguettes Web… J'ai beau être journaliste jusque dans les tripes, j'en ai déjà une indigestion…

Qu'on décortique ad nauseam le comportement des Blancs, Noirs et Latinos, qu'on arrive ou pas à définir une fois pour toutes l'étincelle qui manquait à Mme Clinton pour séduire quelques milliers d'électeurs de plus, qu'on brûle une légion de lampions pour réussir à comprendre ce que les brillants cerveaux médiatiques et universitaires n'avaient pas vu venir, qu'on jette des blâmes dans toutes les directions imaginables ne changera rien au fait qu'une crapule vient d'être élue à la Maison Blanche !

Donald Trump, ce milliardaire qui accumule les défauts plus rapidement que les dollars, aura bientôt les doigts sur la gâchette nucléaire. Entre les insultes qu'il lance sans ménagement sur Twitter et ailleurs, entre ses déclarations plus honteuses les unes que les autres (se vanter de ne pas avoir payé d'impôt, d'avoir agi comme prédateur sexuel, etc.), entre ses promesses plus alarmantes les unes que les autres (expulser manu militari des millions d'immigrants, ériger un mur face au Mexique, jeter l'environnement à la poubelle, priver les Américains les plus pauvres d'assurance-maladie, etc.), le comportement de cette fripouille nous met tous, toutes à risque. La planète entière est menacée.

Personne ne peut accuser Trump d'hypocrisie. Il a dévoilé sans réserve sur la place publique tous ces défauts qui pourraient faire de lui le pire président des États-Unis. S'il fait ce qu'il a dit qu'il fera, et que l'humanité réussit à s'en sortir sans trop de dégâts, on le traînera un jour, lui et ses sbires, devant un nouveau tribunal de Nuremberg pour répondre à de multiples accusations de crimes contre l'humanité. Je ne comprends pas toutes ces politesses qu'on lui fait dans plusieurs milieux officiels depuis l'élection, comme si l'individu avait tout à coup changé en s'apprêtant à revêtir un complet présidentiel…

Quand un rudoyeur s'avance vers vous, menaçant, la seule option c'est de se défendre. De résister, de l'opposer par tous les moyens disponibles, à l'exception de la violence et des armes. S'il demande aux forces armées de rassembler des millions de Mexicains et de les expulser, il faudra que le public manifeste, dresse des boucliers humains. Il faudra que des soldats et des policiers désobéissent, que des consciences s'élèvent pour affirmer l'illégitimité de certains actes légaux. La désobéissance civile devra non seulement être envisagée. Elles sera une nécessité de tous les jours contre Donald Trump s'il entend mener son programme inhumain à terme.

Des droits des femmes à la libre circulation des armes à feu, des pipelines aux centrales à charbon, du profilage racial à la fermeture des frontières, de la suppression de l'EPA (Agence de protection de l'environnement) à l'ouverture des parcs et réserves forestières à l'exploitation, des attaques contre les pauvres aux chèques en blanc pour le grand capital, les dommages potentiels sont tels que les forces de résistance devront être constamment sur le qui-vive. Toute étincelle pourra provoquer une déflagration avec un énergumène comme Trump et personne ne peut exclure la possibilité d'une quasi-guerre civile chez nos voisins du sud.

Je sais que Barack Obama doit procéder à la passation des pouvoirs. J'aurais cependant espéré que ce président que Donald Trump a abreuvé d'injures sans réserve le fasse le plus froidement possible, en mettant le public américain en garde contre le dangereux personnage qui lui succédera. De deux choses l'une: ou bien Trump ne fera rien de ce qu'il a promis et ce sera sera plus ou moins le statu quo (et donc aucun progrès alors que des mesures urgentes s'imposent), ou bien il fera en tout ou en partie ce qu'il a annoncé et ce sera alors une totale catastrophe. Quoiqu'il en soit, les boucliers doivent se dresser immédiatement.

On dira que je suis alarmiste. Oui je le suis, cette fois. Quand je vois le soleil, je dis: c'est le soleil. Je vois un nuage? Je dis: voilà un nuage. Je vois Donald Trump? Je dis: c'est lui, avec tout ce qu'il traîne de souillures et de déchets. Et il vient droit vers nous, avec les pouvoirs de la présidence américaine. Qui n'est pas alarmiste a les yeux fermés et les oreilles bouchées.



lundi 7 novembre 2016

Radio-Canada… cible trop facile...

Hors Québec, et même hors Montréal, les émissions télé et radio de la Société Radio-Canada (y compris les bulletins de nouvelles) ont été et restent souvent la cible de critiques. Trop Québec-centrées pour les uns, trop Montréal-centrées pour les autres… Radio-Canada étant une société d'État, propriété publique donc, les citoyens-patrons ont bien le droit, quand ils le veulent, d'y mettre leur grain de sel ou, plus souvent, leur grain de poivre…

Le problème, c'est toujours de faire la part des choses… Il est facile, trop facile même, de garrocher des roches sans trop de retenue au réseau public de langue française sous prétexte qu'on n'y parle pas assez fréquemment de Sudbury, de Chéticamp, de Chibougamau ou de Matane… Mais qu'en est-il vraiment? À la passion que soulève de temps à autre toute discussion sur cette question, il semble exister un ressentiment profond, même une certaine exaspération face à Radio-Canada dans certains milieux.

Mais si je crois au vieil adage «pas de fumée sans feu», faute d'enquête exhaustive on n'a guère d'indices probants sur la gravité de «l'incendie»… Alors, partir de quelques émissions de RDI pour conclure à un «esprit de clocher», à un «ghetto québécois» et pire, affirmer que Radio-Canada «fait oeuvre d'acculturation, voire d'assimilation», il y a loin - très loin même - de la coupe aux lèvres…

C'est pourtant ce qu'a fait, ce lundi 7 novembre, en page éditoriale du quotidien Le Droit, l'auteur Paul-François Sylvestre, un commentateur respecté, militant franco-ontarien depuis une cinquantaine d'années, dans son texte intitulé Radio-Canada… ou Radio-Québec? (bit.ly/2fuPLUk). Avec plus de 500 partages Facebook dans les heures suivant sa publication, le texte fait rapidement le tour des réseaux, et les commentaires vus jusqu'à maintenant oscillent autour d'un appui sans réserve…

Je ne suis pas prêt à donner l'absolution sans confession aux artisans radio-canadiens, mais ils ne méritent pas d'être jugés, condamnés et pendus haut et court sur la place publique sans procès équitable. Je vais donc me risquer tout en restant critique, parce que j'estime parfois le réseau plutôt Montréal-centré, à me porter à la défense de notre société d'État malmenée… à partir ce ce que je sais, et en avouant qu'il y a plein de choses que je ne sais pas…

Puis-je commencer en affirmant, sans certitude absolue, que Radio-Canada est probablement à l'image de la grande nation francophone (québécoise pour la plupart, canadienne-française pour plusieurs, le débat n'est pas clos là-dessus) qui peuple divers coins du Canada mais qui se concentre principalement autour du grand bassin du Saint-Laurent, au Québec, depuis des centaines d'années. C'est là que bat le coeur de la nation. C'est là qu'habite l'immense majorité des gens pour qui le français reste la langue d'usage - ceux et celles qui vivent en français, travaillent en français, utilisent des outils culturels de langue française y compris les médias.

Radio-Canada a beau avoir une mission différente de celle des médias des secteurs privés, on sait que les cotes d'écoute déterminent souvent le sort des émissions, des stations et même des réseaux. Faut-il alors se surprendre que la programmation - surtout celle autour des heures de forte écoute - soit axée sur les milieux les plus susceptibles de s'y intéresser? Si plus de 90% des francophones du Canada (selon la langue d'usage) se concentrent au Québec, Radio-Canada ne peut en faire abstraction. Cela ne signifie pas que les auditoires minoritaires en Acadie, en Ontario ou dans l'Ouest ne soient pas précieux, mais ils ne sont pas nombreux, et ont tendance déjà à consommer des médias de langue anglaise.

Les bulletins de nouvelles nationaux, sans doute à l'image des autres émissions, ont été ciblés aussi par les critiques. Mais il reste que Radio-Canada - et c'est le seul réseau à le faire - s'est dotée de salles de nouvelles dans la plupart des régions du pays, du Pacifique à l'Atlantique - où se trouvent des concentrations de francophones. Elle diffuse des bulletins de nouvelles régionaux et je peux vous assurer que sur le Web, je n'ai vu aucun réseau privé ou public, électronique ou imprimé, qui propose une plus grande quantité d'information sur la francophonie hors-Québec. Est-ce suffisant? Doit-on y accorder plus de place dans les temps d'antenne «nationaux»? La question est posée.

J'ai oeuvré pendant des décennies au quotidien Le Droit, qui a subi (parfois avec raison, souvent à tort) plus que sa part d'injures de la part de nombreux Franco-Ontariens. Mais trop souvent j'ai eu la conviction - et la preuve - qu'un grand nombre de détracteurs du journal n'y étaient pas abonnés, et ne le lisaient même pas. Et pourtant, bon an mal an, le quotidien de la capitale publiait dix, cent fois plus de nouvelles sur l'Ontario français que ses concurrents de langue anglaise… J'ose espérer que les critiques à l'endroit de Radio-Canada proviennent toutes de gens qui l'écoutent et le regardent… comme c'est le cas, j'en suis sûr, pour Paul-François Sylvestre.

Par ailleurs le Québec, même s'il ignore trop souvent à peu près tout de la réalité des Franco-Canadiens vivant ailleurs au pays, situation que j'ai eu l'occasion de déplorer, n'est pas un ghetto. C'est une société vibrante, ouverte sur le monde, dynamique, et, sur le plan culturel, menacée comme l'ensemble de la francophonie nord-américaine. L'avenir de la nation s'y joue, y compris l'avenir des minorités francophones hors-Québec, qui ne pourront jamais survivre sans un Québec français en pleine possession de ses moyens. Ce qui s'y passe, et ce que Radio-Canada en montre, n'est pas étranger aux intérêts des Franco-Ontariens ou des Acadiens. Cela les concerne, en tant que francophones, même si c'est au Québec. Est-ce trop Québec-centré? Doit-on mieux doser? La question est posée.

J'ai beau pester à l'occasion parce qu'il me semble que les grands médias, y compris Radio-Canada, oublient parfois l'Outaouais et sa métropole, Gatineau, quatrième ville du Québec, j'ai la conviction que nous avons en Radio-Canada un excellent outil culturel et que ses artisans, en dépit d'obstacles de tous genres, politiques, bureaucratiques, économiques, font souvent des miracles avec les moyens qu'ils ont. Cela ne les met pas à l'abri des critiques, loin de là, mais on a fait de Radio-Canada, dans certains milieux, une cible trop facile.

J'aimerais bien qu'on décortique la réalité radio-canadienne (peut-être une telle enquête existe-t-elle déjà, et que je n'en ai pas pris connaissance…) et qu'on puisse brosser un tableau réaliste, susceptible d'accréditer ou écarter ces allégations de Québec-centrisme ou Montréal-centrisme, et d'apporter au besoins des correctifs qui, j'en suis sûr, ne satisferont jamais tous les détracteurs.

Entre-temps, tout au moins pourrait-on s'abstenir de prétendre abusivement que Radio-Canada, notre meilleur outil culturel public de langue française à l'échelle du pays, favorise l'anglicisation des Canadiens français… En 2010, une étude de Statistique Canada affirmait déjà que seulement un peu plus de 10% des Franco-Ontariens consommaient des médias exclusivement ou surtout en français. Croit-on vraiment que cela puisse être dû au contenu des émissions de Radio-Canada, ou bien davantage à l'influence d'une société anglo-dominante qui exerce une pression de plus en plus intense sur les minorités linguistiques…

Quoiqu'il en soit, je n'ai aucune certitude à l'endroit de Radio-Canada. Il semble que je sois un oiseau rare...