mardi 29 novembre 2016

Si les batteries sont à terre, dites-le!


Il y a trois ans, presque jour pour jour, le 30 novembre 2013, la grande caravane de consultation pilotée par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) avec ses deux alliés, la FESFO (étudiants du secondaire) et l'AFO (Assemblée de la francophonie de l'Ontario), s'amenait à La Cité collégiale, à Ottawa, au terme d'un périple qui l'avait mise en communication avec des francophones aux quatre coins de cette province grande comme un pays.

Cette consultation, intitulée États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, avait pour but de dresser un constat de l'éducation collégiale et universitaire en français, puis de mijoter une stratégie pour combler les brèches (substantielles) et assurer une gouvernance franco-ontarienne de l'ensemble de l'offre post-secondaire de langue française. Le sommet de cette pyramide éducative serait bien sûr la mise en place d'une université de langue française pan-provinciale.

Pourquoi en aurait-il été autrement? Pourquoi aurait-on embarqué dans cette aventure les collectivités francophones de l'est, du nord, du sud et de l'ouest ontariens si l'objectif n'avait pas été d'en arriver à une institution universitaire «par et pour» les Franco-Ontariens de toutes les régions? Au primaire, au secondaire et au collégial, des réseaux francophones avaient vu le jour, partout. Il était logique, et pleinement justifié, d'aborder l'universitaire de façon similaire.

«Après l'obtention de douze conseils scolaires et deux collèges francophones pendant les années 1990, la création d'une institution universitaire de langue française demeure la dernière brique de l'édifice institutionnel éducatif en Ontario français», pouvait-on lire dans le fascicule d'information des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français. Accès, gouvernance, à tous les niveaux, partout dans la province. C'était le mot d'ordre, ferme et clair.

Tout ça… pour ça?

Alors aidez-moi à comprendre, quelqu'un, parce ça ne tourne plus rond dans cette campagne, la plus récente, qui dure depuis 2012, en faveur d'une université franco-ontarienne. Après une vaste tournée dans toutes les régions où le thème de la gouvernance a été le fil conducteur, et où il a été énoncé clairement que les universités bilingues à Ottawa et Sudbury faisaient partie du problème, comment se fait-il que l'on se trouve dans une situation où le gouvernement ontarien met sur la table un seul campus universitaire dans une seule région, celle de Toronto, et que tout le monde se met à prendre ce campus (qui sera prêt quand? qui accueillera qui?) pour «l'université de langue française» de l'Ontario…

À un moment donné, quelque part, le gouvernement Wynne - à l'époque de Madeleine Meilleur - a décidé de cibler le centre-sud-ouest (Toronto) parce qu'il y avait là un vide moins compliqué à combler. On ne pilait pas sur trop de gros sabots, comme à Ottawa ou Sudbury. Queen's Park n'a pas caché son jeu et a commandé un rapport sur les besoins dans le centre-sud-ouest. De ce rapport est issu le projet du campus, que tout le monde semble désormais prendre pour l'université franco-ontarienne… même dans les médias!

On pouvait toujours espérer qu'il ne s'agirait que de la première marche d'un escalier en spirale qui ferait éventuellement le tour des régions, mais voilà que l'annonce cette semaine des membres du «conseil de planification pour une université de langue française» confirme le pire. Tous ces membres sont issus de la région du centre-sud-ouest. Leur mission est clairement régionale, pas provinciale. De fait, à Toronto, on semble croire que c'est exactement ça que les Franco-Ontariens demandent depuis 2012, et que tous devraient se lever et applaudir.

Mais qu'attendent les promoteurs du projet d'université de langue française pour frotter les oreilles de ce gouvernement impudent? On n'aborde pas l'universitaire là où ça compte le plus, Ottawa et Sudbury (et Hearst). Faut pas s'en surprendre, ce n'était pas dans le mandat du comité. Il n'y a apparemment aucun problème dans ces régions. Madeleine Meilleur l'avait dit: l'Université d'Ottawa dessert fort bien les francophones…  (Quinte de toux…) LE REFO, la FESFO et l'AFO vont-ils rappeler ce gouvernement à l'ordre? Ou a-t-on remué mer et monde dans toutes les régions depuis 2012 pour un seul campus, indéfini, dans la région de Toronto?

Je n'ai pas besoin d'argumenter sur les effets néfastes des institutions bilingues pour les francophones en milieu minoritaire. Les dirigeants franco-ontariens en sont pleinement conscients. Les organismes étudiants et l'AFO qui ont mené la campagne sont campés devant le Rubicon. Traverseront-ils, boucliers levés, pour affronter ceux et celles qui, se prétendant leurs amis, les laisseront tomber au moment décisif, ou resteront-ils assis bien sagement dans un silence coopératif avec l'espoir de récupérer un meuble ça et là pendant que l'édifice s'écroule?

Ciel que cette cause est juste! Les Franco-Ontariens demandent bien moins que ce que les Anglo-Québécois ont toujours eu, depuis la Confédération. Le gouvernement ontarien, au cours du dernier siècle, a détourné à d'autres fins des milliards de dollars qui auraient du être consacrés à l'éducation en français. Invoquer les limites budgétaires, c'est de l'indécence! La cause est juste et inattaquable! Mais pour espérer gagner, il faut la mener en gardant le cap, sur la place publique, avec les risques que cela comporte.

S'il ne reste plus de volonté, d'énergie, si les batteries sont à terre, dites-le. Et on n'en parlera plus.





1 commentaire:

  1. J'en suis à croire qu'au Canada "une cause juste" quand elle concerne les francophones n'est que la somme de 13 lettres avec deux espaces...

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