mercredi 14 décembre 2016

Médias et francophonie hors Québec

La conclusion de l'étude d'Influence Communication n'aura surpris personne qui se donne la peine de suivre les grands dossiers de la francophonie hors-Québec. Je me plains depuis des années que les Canadiens français et Acadiens vivant en minorité dans neuf provinces et trois territoires ont le plus souvent le statut de laissés-pour-compte dans les grands réseaux médiatiques du pays.

C'est donc avec précipitation que je suis passé de l'article du quotidien Le Droit (bit.ly/2hqig6lau site Web d'Influence Communication, dans l'espoir de prendre connaissance de la totalité du rapport (bit.ly/2gJmBSL), me disant qu'il répondrait sans doute aux nombreuses questions suscitées par la couverture de presse. Déception...

La lecture du document d'Influence Communication m'incite à poser des questions à la fois sur la méthodologie et sur le niveau de connaissance de la francophonie canadienne au sein de l'équipe de chercheurs. Voici quelques exemples:

* Dans le chapitre sur les francophones hors-Québec (pages 29 à 32 du rapport), le contenu de l'analyse est censé porter sur l'année 2016 mais les deux tableaux indiquent qu'il s'agit des «données de 2011».

* Dans le second tableau en page 32, certains pourcentages de poids démographique des minorités paraissent erronés (du moins selon la langue maternelle et la langue d'usage), notamment en ce qui a trait à l'Acadie (inclut-on les 4 provinces de l'Atlantique?) et le Yukon (possiblement inversé avec les Franco-Colombiens). Quant aux Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut, on est sans nouvelles d'eux.

* Influence Communication avait ciblé quatre semaines pour une analyse plus détaillée, dont celle du 15 au 21 février, où on mentionne un seul événement d'importance pour la francophonie hors-Québec (audiences sur un service d'autobus bilingue au N.-B.). Or c'est justement cette semaine-là, en Ontario, qu'a eu lieu une manifestation provinciale d'étudiants francophones à Queen's Park pour une université de langue française et que les Franco-Ontariens se préparaient aux excuses officielles du gouvernement provincial pour le Règlement 17 (22 février). Quelqu'un n'a pas fait ses devoirs…

* À la base, personne n'explique ce que signifie «le poids médias des mentions des communautés francophones hors-Québec» dans les médias canadiens et québécois… Si ce sont des mentions qui doivent être liées à l'identité linguistique et culturelle de ces «communautés» (mauvais choix de mot - on devrait dire collectivités), j'ai peine à comprendre l'immense disproportion entre Acadiens et Canadiens français… et j'aimerais bien savoir quel est le «poids médias» des mentions de Franco-Québécois…

* On évoque ce qui semble être un faible volume de nouvelles produites par les médias des collectivités francophones hors Québec - mais nulle part on ne donne une liste de ces médias. Y compte-t-on les hebdos acadiens et canadiens-français, ou encore Le Droit, ou les salles de nouvelles locales de Radio-Canada dans les provinces à majorité anglaise? Aucune indication que j'ai vue…

* Des intervenants francophones hors-Québec ont utilisé les données d'Influence Communication pour taper sur la tête des médias québécois, accusés de négliger la francophonie pan-canadienne. Or, selon les même rapports, le traitement de cette francophonie par les médias de langue anglaise est bien pire, son poids médias y étant carrément insignifiant à 0,18%. Entendra-t-on ces ténors anti-québécois de la FHQ faire du English-Canada-media-bashing… Peut-on en douter…

* La situation «critique» des Franco-Ontariens… qui représentent la moitié des effectifs francophones hors-Québec mais n'ont que 4% de la «médiatisation» de la francophonie hors-Québec… Je ferai ici mon St-Thomas… Je n'en suis pas convaincu… J'aimerais analyser moi-même ces données. Il reste que Le Droit s'est sérieusement désengagé de l'actualité franco-ontarienne depuis quelques années. Son absence de couverture sur place et d'analyse de grands événements (ex. université franco-ontarienne, congrès annuel de l'AFO, etc.) n'est pas sans effet.

Il reste qu'en 2016, avec le dossier de l'université franco-ontarienne, les excuses centenaires pour le Règlement 17, la saga du statut du français à la ville d'Ottawa, sans oublier la démission de la ministre des Affaires francophones, Madeleine Meilleur, et l'arrivée de la relève, Mmes Lalonde et Des Rosiers, il semble y avoir suffisamment de matière pour dépasser le poids médias de 0,46%...

* Certaines conclusions tirées par Influence Communication semblent plutôt simples et faciles. La sous-médiatisation des francophones hors-Québec démontrerait «à quel point il est difficile pour ces communautés de protéger, voire de faire rayonner leur culture», et n'annoncerait «rien de bon pour la pérennité de la francophonie canadienne». C'est un bien grand saut à partir de données partielles qui n'ont pas été approfondies sur le terrain.

Quoiqu'il en soit, peu importe la réponse à ces interrogations, le poids médiatique des Acadiens et Canadiens français en milieu minoritaire laisse certainement à désirer. Comme aurait dit l'un de mes anciens patrons au Droit, «rien qu'à wère on wé ben»… Mais la question plus fondamentale, qui reste le plus souvent non posée dans la cacophonie des critiques et blâmes, c'est: pourquoi?

2 commentaires:

  1. Vous écrivez: "* Des intervenants francophones hors-Québec ont utilisé les données d'Influence Communication pour taper sur la tête des médias québécois, accusés de négliger la francophonie pan-canadienne." Ça semble être le sport préféré de certains: http://claudedupras.blogspot.ca/ Je me demande s'ils sont payés pour faire ça?

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  2. Vous écrivez: "* Des intervenants francophones hors-Québec ont utilisé les données d'Influence Communication pour taper sur la tête des médias québécois, accusés de négliger la francophonie pan-canadienne." Ça semble être le sport préféré de certains: http://claudedupras.blogspot.ca/ Je me demande s'ils sont payés pour faire ça?

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