jeudi 16 février 2017

Discrimination vestimentaire? Couillard dérape!

Caricature de Bado dans Le Droit, 16 février 2017

Ras-le-bol! Avec Philippe Couillard, décortiquer nos valeurs identitaires, que dis-je, notre identité tout court, finit toujours par ressembler à quelque chose comme la xénophobie. À l'entendre, nos interrogations sont inévitablement dirigées contre «les autres»... On en vient presque à se taire, de peur d'être accusé de «souffler sur les braises de l'intolérance»... Mais comme jai la conviction qu'il agisse ainsi à cause d'une perception de rentabilité politique, bien plus que par un engagement viscéral, et que d'éminents adversaires lui donnent régulièrement la réplique, ça peut s'endurer...

Mais cette semaine, après la déclaration vire-capot de Charles Taylor, qui semblait attendre depuis trois ans (dixit Fatima Houda-Pepin) le moment propice pour rayer sa signature du rapport Bouchard-Taylor, quand j'ai entendu le premier ministre affirmer que son parti était opposé à la «discrimination vestimentaire», c'en était trop! Interdire le port de signes religieux à certaines figures de l'État en position d'autorité (de coercition?) constituerait de la «discrimination vestimentaire»? Non mais il a du culot. Il est effronté!

Charles Taylor dérape lui aussi, établissant un lien de cause à effet entre la tuerie à la mosquée de Québec et son intervention en faveur du port de signes religieux au sein de l'État. Un lien que le gouvernement actuel utilisera de façon très officielle. Je suis pacifiste absolu, j'ai horreur de la violence, d'où qu'elle provienne, le geste lâche de l'assassin de Québec m'a mis les tripes en bouillie, j'ai ressenti toute la solidarité qu'on peut puiser aux confins de l'âme pour les victimes et leurs proches, mais par tous les saints qu'on m'avait jadis appris à invoquer, nos débats identitaires - qui durent depuis plus de 250 ans - n'ont rien à voir avec la xénophobie ou le racisme!

Si quelqu'un a été victime de xénophobie ou de racisme depuis des siècles, c'est bien «nous», ce nous jadis canadien-français et maintenant québécois, autrefois bâti sur des valeurs chrétiennes dont on a conservé quelques élans d'entraide et la solidarité, ce nous d'origine française métissé au fil des siècles avec les Autochtones, puis avec des Écossais, des Irlandais, des Anglais et bien d'autres, enrichissant toujours la mixture sans diluer cette essence qui fit de nous une «nation», cette nation que les Couillard et Trudeau de ce monde voudraient aujourd'hui fondre à la vitesse grand V dans un multiculturalisme sans âme...

Ces Couillard et Trudeau, toujours prompts à nous intimer de respecter l'identité des «autres», négligent de rappeler le droit d'exiger en retour le respect de notre «nous», désormais en péril... Les nouveaux citoyens venus d'ailleurs ont dans leurs cultures et coutumes des éléments propres à enrichir la nôtre, et nous avons l'obligation d'accueillir cet apport si essentiel à l'évolution nationale. Mais le processus doit en être un d'intégration aux éléments (valeurs?) principaux qui font de «nous» une composante essentielle et unique de la diversité culturelle mondiale: la langue française, notre histoire et notre culture, l'égalité de tous les humains (hommes, femmes de toutes races), la démocratie dans un État neutre et laïc, offrant à tous, toutes, un parapluie commun de droits, de libertés, de responsabilités et de services.

En démocratie, chacun, chacune reste libre de se vêtir comme il, elle le veut dans la sphère privée et sur la place publique. À visage découvert bien sûr, sauf dans les grands froids d'hiver. Libre à tous, toutes de se balader crucifix en main ou croix au cou en s'affichant membres d'un catholicisme qui refuse toujours de laisser la moitié féminine de l'humanité devenir prêtre, évêque, cardinal ou pape. Libre à toutes de porter le voile musulman sous toutes ses formes, manifestation publique de la soumission des femmes à des imams qui les traitent en inférieures. Libre à d'autres de porter kippas, turbans, kirpan, chasuble à l'épicerie, sur les trottoirs, dans les lieux de culte...

En dépit de cette liberté, il arrive à tous, toutes d'être confrontés à des règles vestimentaires. J'ai été expulsé à quelques reprises de la Chambre des Communes, alors que j'étais reporter, pour refus de porter veston et cravate... Dans certains commerces, dans des établissements scolaires, dans les forces armées et policières, sur bien des lieux de travail, des uniformes sont prescrits ou certaines règles vestimentaires doivent être suivies. Cela constitue-t-il de la «discrimination»? Certainement pas au sens où l'insinuent MM. Couillard et Taylor...

L'État et le secteur public, en général, n'imposent pas d'uniformes dans les bureaux administratifs et centres de services. On en trouve cependant dans les hôpitaux, dans les corps de police, les tribunaux, dans les sociétés de transport public. Si une infirmière refusait d'endosser l'uniforme hospitalier, M. Couillard volerait-il à son secours pour cause de discrimination vestimentaire? Bien sûr que non...

Nous voilà donc rendus au port, par des employés de l'État, de signes religieux ostentatoires, quels qu'ils soient, ou (pourquoi pas?) de boutons politiques, de carrés rouges, de médailles d'une cause quelconque, de message antireligieux... Là, tout à coup, selon M. Couillard et ses cohortes, une interdiction ou une limitation constituent un acte de discrimination et une atteinte à la liberté d'expression ou de religion... On n'est pas loin, on devine presque que rôdent tout près des mots comme islamophobie, xénophobie et quelques autres braises...

Le temps est venu de rappeler au premier ministre que toutes les libertés ont des limites, et que certaines ont la priorité. Au nom de la liberté de votre religion, vous n'avez pas le droit d'avoir deux ou quatre épouses. La loi l'interdit. Au nom de la liberté d'expression, vous n'avez pas le droit de proférer des propos haineux ou inciter à la violence. La loi l'interdit.

Alors la question qui se pose est la suivante: interdire le port des signes religieux est clairement une limitation de la liberté de religion et d'expression, mais est-elle justifiée au nom de droits ou valeurs supérieurs, tels l'égalité de tous les citoyens et citoyennes (y compris l'égalité hommes-femmes), le respect et la dignité auxquels tous les citoyens et citoyennes ont droit, ou même la neutralité de l'État?

Voici l'opinion que j'ai publiée durant le débat sur la Charte de Bernard Drainville, à la fin de 2013, Charte que j'ai appuyée sans réserve tout en étant éditorialiste au quotidien Le Droit dans l'empire de Gesca. Ce que j'ai écrit en novembre 2013, je l'écrirais en 2017, sans modifier une virgule:

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«J'ai déjà exprimé l'opinion que l'interdiction de signes religieux ostentatoires pour toute personne au service de l'État constituait une limitation légitime et justifiable de la liberté de religion. Mais au-delà du principe, je trouve qu'on oublie trop souvent que tout droit ou liberté s'accompagne de devoirs et de responsabilités. Le droit de vote s'accompagne du devoir d'aller voter. Et la liberté de religion s'accompagne du devoir de l'exercer sans brimer la liberté des autres, et ce, dans le respect des lois (à condition que ces lois soient légitimes et adoptées dans un cadre démocratique).

«Les personnes qui représentent l'État, c'est-à-dire l'ensemble de la collectivité, et dont le salaire est payé à même les deniers publics, n'ont pas que des droits. Elles ont aussi certaines responsabilités découlant du fait qu'elles incarnent, dans leurs fonctions, l'ensemble des citoyens et l'autorité gouvernementale. Le citoyen qui veut faire son épicerie peut choisir son commerce en fonction de ses goûts et préférences. Mais s'il veut obtenir un service de l'État ou s'il doit communiquer avec un représentant de l'autorité publique, ce libre choix n'existe plus.

«Quand je vais à l'hôpital pour un soin, quand je me présente à un bureau régional d'un ministère, quand je dois m'adresser à un policier, quand je rencontre le directeur d'une école ou un enseignant, je n'ai plus le choix que j'aurais à l'épicerie. La personne que je rencontre est investie d'une autorité que je dois accepter et que lui confèrent nos lois, et son salaire est payé par les taxes et impôts de tous les citoyens. J'ai par contre le droit d'exiger que cette autorité soit exercée de façon à démontrer l'ouverture de l'État à tous les citoyens, peu importe leurs convictions politiques, sociales ou religieuses.

«Si je dois traiter avec Monsieur Untel ou Madame Unetelle pour régler un problème relevant de l'État, je le fais, c'est mon obligation. Mais j'ai le droit d'exiger que cette personne, vu l'autorité qu'elle exerce sur moi au nom de l'État, ne m'impose pas ses propres opinions ou convictions personnelles, tant par ses paroles, ses gestes que par les signes «ostentatoires» qu'elle porte. Qu'elle soit à l'image de l'État. J'a le droit d'exiger que l'État neutre (sur le plan religieux) en ait aussi l'apparence.

«Et à ces personnes qui tiennent mordicus, pour toutes sortes de motifs, à afficher leurs croyances dans leur tenue vestimentaire, je tiens d'abord à leur dire que je crois qu'elles font erreur. La véritable expression d'une foi est dans le comportement et non dans les signes extérieurs qu'on arbore. Mais au-delà de cet élément du débat, je pose la question : est-ce trop demander à une personne qui représente l'État et qui se trouve au service d'un public varié, de toutes confessions, est-ce trop lui demander de laisser ses convictions personnelles à la maison? Non!»

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Les libéraux, tant à Ottawa qu'à Québec, se pavanent sous la bannière d'un multiculturalisme sans forme qui inclut à peu près toutes les identités, sauf la nôtre, apparemment porteuse de xénophobie voire de racisme.... ou pire, de discrimination vestimentaire...

La Charte de 1982 a été assez claire au sujet de notre exclusion, tant sur le plan constitutionnel que sur le plan de nos valeurs collectives.

Aujourd'hui, notre «nous», cette nation que nous avons mis des siècles à façonner, dépérit à vue d'oeil, à coups d'anglais intensif et de réprimandes aux vrais défenseurs du français langue commune et de notre héritage culturel.

Le dernier sondage, indiquant 22% seulement de jeunes en faveur de la souveraineté, est un signal de détresse. Ce n'est pas seulement le mouvement indépendantiste qui se voit menacé, c'est peut-être la nation tout entière, ce «nous» si riche, si précieux, si unique sur cette planète, qui manifeste ses premiers signes majeurs de dépérissement identitaire...

Discrimination vestimentaire... Non mais...

2 commentaires:

  1. Un gouvernement a l'ultime responsabilité de prendre soin de sa population et d'assurer sa protection et sa sécurité.
    La confiance de la population envers son État est le fondement sur lequel tout se bâtit: son identité, son sens de la communauté, son avenir.
    Or, ce lien de confiance a été brisé hier par Monsieur Couillard qui a opté pour la "neutralité" plutôt que de prendre courageusement position pour son peuple. Quand cette confiance est brisée, nous sommes tous et toutes perdants.
    Sous peu, vous aurez à voter pour une loi qui entérine la lâcheté de notre Premier Ministre.
    "Neutralité" dans le contexte actuel est le pire des dangers: Rester à l'écart d'un conflit... ne pas privilégier ses valeurs... s'abstenir de tout conseil...! En somme, s'en laver les mains.
    Les Québécois ne sont ni racistes, ni xénophobes et ils ont besoin d'être rassurés.
    La paix sociale dépend d'une décision claire de notre gouvernement en faveur d'une laïcité qui respecte ce que nous, peuple d'accueil, sommes depuis toujours.
    Merci de voter contre toute loi qui menace cette paix sociale, notamment la 62.
    Lise Séguin, Mansfield (Qc) J0X 1R0

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  2. LA paix sociale est sur le point d'éclater. On sens dans l'air un gros nuage de haine envers la classe politique.

    Lorsque ce bris sera effectif, TOUTE la faute reviendra à Couillard et son manque de courage.

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