mardi 30 mai 2017

C'était le 30 mai 2014...

Cela fait trois ans, aujourd'hui 30 mai, que le quotidien Le Droit m'a congédié comme éditorialiste pour avoir signé le texte de blogue ci-dessous. Voici le lien à mon ancien blogue que Twitter censure toujours... http://pierreyallard.blogspot.ca/2014/05/le-silence-assourdissant-des-salles-de.html


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lundi 19 mai 2014


Le silence assourdissant des salles de rédaction

La semaine dernière, les grands patrons de Power Corporation, conglomérat propriétaire de la chaîne de journaux Gesca, dont fait partie le quotidien auquel je suis associé depuis 45 ans, Le Droit, ont annoncé froidement la disparition de mon journal. Pas demain, ni après-demain, mais bientôt… Dans les plans à long terme de Gesca, il ne semble plus y avoir de place pour les journaux imprimés. On les mettra littéralement sur une tablette… Et comme toujours, dans Gesca, l'effort principal est mis sur le quotidien amiral, La Presse. Les autres? Bof…

Quoiqu'il en soit, voici la citation d'André Desmarais, coprésident et co-chef de la direction de Power Corporation, telle que rapportée le 15 mai. La question posée à M. Desmarais portait sur l'avenir des quotidiens régionaux de Gesca, Le Soleil (Québec), Le Droit (Gatineau-Ottawa), La Tribune (Sherbrooke), Le Nouvelliste (Trois-Rivières), Le Quotidien du Saguenay et La Voix de l'Est (Granby). Le patron de Power Corp a répondu : «Que va-t-il arriver à ces quotidiens-là? Eh bien, ils vont disparaître. Il n'y a pas de question. Il faudra qu'ils aient des discussions sérieuses en espérant trouver une façon d'intégration, peut-être à la tablette.»

Pourquoi? C'est essentiellement une question d'argent. Une chute «énorme» des revenus publicitaires, dit M. Desmarais. Le second motif, sur lequel il a moins insisté : les journaux imprimés, «c'est un médium et les gens en veulent moins.» Il y aurait donc perte de revenus et perte de lectorat. Le cocktail parfait pour des fermetures annoncées à moyen terme. Et la solution, si solution il y a, doit être rentable. Pour le moment, on mise sur la tablette… La Presse+, offerte gratuitement… et une possible extension, peu définie pour le moment, de cette tablette à ce que les Montréalais appellent «les régions».

Quand tout cela se produira-t-il? «Le marché déterminera», conclut André Desmarais…

Vous me permettrez de ne pas être très heureux, et ce, pour plusieurs motifs que je risque de présenter pèle-mêle, faute de pouvoir m'engager froidement, avec un recul suffisant, dans ce débat entourant l'avenir des quotidiens imprimés, et notamment de celui qui me tient le plus à coeur, Le Droit. Mais je crois qu'en matière d'information du public, des valeurs autres que les pertes et les profits ont droit de cité. Le droit du public à l'information, y compris l'information régionale, constitue la pierre d'assise de notre démocratie.

1. Je suis quelque peu outré du silence assourdissant qui émane des salles de rédaction des quotidiens de Gesca, y compris La Presse. J'ai toujours cru que le milieu journalistique en était un de remises en question constantes, de contestation, de reddition de compte, du second regard, de réflexion et, par conséquent, de diversité et de choc d'idées. S'il reste quelque chose de ce bouillonnement que j'ai connu, ça ne paraît pas. Trop de journalistes ont la bouche cousue…

2. Compte tenu que l'ère Internet n'a que vingt ans et que personne ne sait trop jusqu'où mènera sa croissance exponentielle et erratique, j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi on se comporte comme si le numérique allait - sans appel et de toute évidence - remplacer le papier comme support quotidien de l'information au public. Il y a d'excellents motifs de ne pas mettre tous ses oeufs dans le panier numérique (http://bit.ly/1mDsOZV). Des valeurs de civilisation sont ici en cause.

3. J'aimerais qu'on aborde plusieurs questions de fond. Pourquoi lit-on moins les journaux? Pourquoi lit-on moins, tout court? Il faudra parler d'éducation, de culture, de tout. La proportion d'analphabètes fonctionnels est effarante. Il faudra aussi parler de la qualité du produit offert. J'ai toujours cru, peut-être naïvement, peut-être pas, qu'un bon journal trouvera des lecteurs. Quand le nombre de pages diminue, quand on sabre dans les salles de rédaction, il ne faut pas se surprendre que le lectorat en souffre. Et ceux qui ne lisent pas sur papier à cause d'une incapacité de lecture, ou parce qu'ils n'y trouvent plus ce qu'ils devraient y trouver, vont éventuellement délaisser les nouveaux gadgets électroniques… pour les mêmes raisons.

4. Je refuse - catégoriquement - d'envisager que «le marché» décide si je serai informé ou pas demain. Je comprends les soucis des gens d'affaires comme M. Desmarais qui veulent maintenir et augmenter leurs marges de profit, mais l'information - et le droit du public à cette information - sont des valeurs fondamentales inscrites dans les constitutions. Que de puissants barons d'entreprise puissent s'arroger le droit de placer leur bilan financier devant un droit constitutionnel me bouleverse. Des solutions? Hé, je ne suis qu'un scribe à la quasi-retraite, qui tentera de vivoter avec ses REER le plus longtemps possible… Ce qui me désole, cependant, c'est que personne ne semble vouloir prendre cet enjeu par les cornes… Il doit y exister des solutions de rechange.

5. En 1913, Le Droit a été fondé par des Franco-Ontariens qui luttaient contre l'interdiction de leurs écoles par un gouvernement raciste à Toronto. Son lectorat est devenu graduellement plus québécois qu'ontarien, mais le journal continue à chevaucher les deux rives de l'Outaouais. Des milliers, des dizaines de milliers de personnes y ont travaillé ou ont contribué à le diffuser au cours de son premier siècle. Le Droit est enraciné même s'il est amoché par l'époque. Le labeur centenaire de ses artisans, et le public qu'ils ont desservi et continuent de desservir, méritent une reconnaissance et un attachement qui dépassent la froide lecture d'un bilan financier et l'interprétation de l'évolution technologique. Pour moi, l'humain sera toujours plus important que la marge de profit.

Bon, c'est sans doute un peu décousu, mais voilà au moins quelques salves qui, j'espère, inciteront les collègues journalistes du Droit et de Gesca à se lancer dans l'arène, à questionner, à débattre le pour et le contre… pas seulement autour d'un café, mais sur la place publique. Même les syndicats de journalistes n'ont pas fait de vagues. Seule la FPJQ est intervenue, sans que cela ne cause trop de remous. J'ose espérer qu'il existe encore une capacité de rébellion dans les empires médiatiques d'aujourd'hui. Parfois, une rébellion est salutaire… même pour les bilans financiers des entreprises.

lundi 29 mai 2017

Aux barricades!

S'il reste au Québec quelques braves, le temps est venu de monter aux barricades! La nation est attaquée, menacée, calomniée, vilipendée. La nation qu'on a mis des siècles à forger autour du bassin du Saint-Laurent s'effrite, se disloque, croule sous un barrage de coups venant de partout...

Laissez-moi vous conter cette histoire comme je la vois, comme Franco-Ontarien ayant choisi de devenir Québécois en 1975...

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Jadis un petit peuple arrivé de France s'enracina autour du grand fleuve.

Des alliances se forgèrent avec des tribus autochtones. Un premier métissage, biologique et culturel.

La quiétude du petit peuple connut une fin abrupte avec la conquête britannique.

Une longue période de lutte commença pour protéger la langue et les coutumes françaises.

La répression se faisant plus intense, une rébellion éclata en 1837 pour affirmer le droit à l'autodétermination... budgétaire et autre...

Cette rébellion fut écrasée, et Lord Durham annonça que nous étions un peuple sans histoire, bon pour l'assimilation.

La lutte, jusque là essentiellement laïque, fut remplacée par une vocation plus messianique, courtoisie d'un clergé catholique intégriste...

Notre mission d'évangélisation s'étendrait désormais à l'Amérique, où nos avant-postes ont essaimé...

Avec la Confédération, on nous concéda un demi-État (une province) bilingue, le Québec...

Le reste du pays fit son possible pour effacer toute trace du français à l'extérieur du bassin du Saint-Laurent...

On réprima les Métis, on pendit Riel, on ferma les écoles françaises en Ontario, en Acadie, au Manitoba...

L'hostilité de l'accueil ailleurs au Canada a contribué à l'exode de milliers de Québécois vers les États-Unis, où des emplois les attendaient...

Les Franco-Québécois ayant émigré malgré tout en Ontario et dans l'Ouest ont lutté vaillamment pour protéger leur culture, mais l'assimilation gruge constamment leurs effectifs.

À l'est, les Acadiens subissent depuis 1755 la dure médecine des Anglais...

Persécutés au Canada anglais, il ne nous restait que le Québec, resté largement français avec de nouveaux métissages irlandais, anglais, écossais...

Pendant longtemps, catholicisme et langue française allèrent de pair. La langue gardienne de la foi. Ou était-ce le contraire?

Après 1867, nos dirigeants québécois ont enfourché l'un après l'autre «l'autonomie provinciale», cette conviction que notre chez-nous doit, dans ses compétences, voler de ses propres ailes...

Cela dura jusqu'à Duplessis...

La grande libération des années 60 fut dramatique au Québec, alors que nous avons largué la religion et lancé une nouvelle offensive linguistique...

René Lévesque fit construire des barrages en français, envers et contre ces «Rhodésiens» anglo-québécois colonialistes qui nous traitaient en inférieurs, avec mépris. Des racistes, quoi...

Pour bien des Québécois, la politique remplaça la religion. La foi ne protégeant plus la langue, l'État le ferait. L'État québécois. Pour plusieurs, l'objectif devint alors l'indépendance.

Pour la majorité anglo-canadienne aux commandes et pour un groupe de Québécois ultra anti-nationalistes (P.-E. Trudeau en tête), la menace indépendantiste devint alors la cible principale.

Trudeau agit promptement en abandonnant le biculturalisme, remplacé par le multiculturalisme... Des jours sombres s'annoncent pour la culture française, qui devient l'une parmi bien d'autres au Canada...

En 1970, profitant de deux enlèvements perpétrés par une poignée de felquistes, Trudeau supprime les libertés du pays tout entier, impose les mesures de guerre (en temps de paix...), et met une partie de l'opposition indépendantiste en prison sans mandat...

Près de 500 innocents ont été cueillis par des policiers et militaires aux petites heures du matin, en octobre 1970, sans autre motif qu'ils étaient indépendantistes... Le pire crime politique commis en ce pays depuis 1867...

Il devint évident qu'Ottawa ne ferait plus de quartier. Toute action fédérale, légale ou illégale, serait permise pour anéantir une volonté collective croissante de créer un Québec indépendant.

Durant la nuit des longs couteaux, Trudeau, Chrétien et les autres provinces ont poignardé le Québec dans le dos et créé une constitution qui reniait la spécificité québécoise... sans l'accord du Québec...

Dans cette nouvelle charte canadienne, les Canadiens français, les Québécois, les Acadiens, perdaient leur identité collective, devenant des atomes francophones à travers le pays.

Cette Charte a été abondamment utilisée pour contrer la Loi 101... c'était d'ailleurs un de ses objectifs...

On voit déjà que le tir change dans les années 1980... on n'attaque plus seulement le projet indépendantiste ou le nationalisme, mais le caractère français du Québec, même comme province...

La crise d'Oka, en 1990, constitue l'une des premières tentatives pan-canadiennes, fort médiatisée, de donner des francophones une image raciste...

Après avoir saboté l'Accord du lac Meech, Trudeau et surtout Chrétien donnent le feu vert à toutes sortes de tactiques douteuses pour faire triompher le «non» au second référendum, en 1995...

La défaite de 1995 aura été un coup dur pour le PQ, et le commentaire de Parizeau sur le vote ethnique a été abondamment sur-utilisé pour renforcer les allégations de racisme et/ou xénophobie chez les indépendantistes...

Au début du 21e siècle, pris dans un étau multiculturel qui se resserre et constatant une immigration de moins en moins disposée à s'intégrer aux projets historiques du Québec francophone, la nation semble avoir perdu la boussole...

En février 2011, les libéraux du Québec (pas ceux d'Ottawa...) veulent imposer l'anglais intensif qui obligera tous les élèves franco-québécois à apprendre l'anglais... et la réaction est enthousiaste...

Pendant l'intermède Marois, le PQ tente de constitutionnaliser dans une Charte les rares valeurs rescapées des années 1960, y compris la langue française, l'égalité des sexes et la laïcité de l'État.

Le projet, généralement accepté chez les francophones, suscite un torrent de haine dans les médias, chez les libéraux, au NPD, au sein de la majorité anglophone et dans les milieux d'immigration intégristes...

Notre petit peuple, ne faisant qu'affirmer son droit d'exister chez lui selon ses propres valeurs, qui sont nobles et généreuses, se fait dire qu'il est intolérant, xénophobe, voire raciste envers ceux et celles qui refusent de se joindre à son cheminement historique...

Notre existence comme peuple, minée par le multiculturalisme, par l'érosion du français, par l'impossibilité d'affirmer des valeurs d'égalité, de laïcité et de francisation, est menacée.

Jadis la menace venait exclusivement d'Ottawa. Elle vient désormais de Québec, avec un gouvernement Couillard décidément anglicisateur; de Québec Solidaire, dont la haine envers le PQ prend de plus en plus des allures de haine envers la nation; et de tous ces groupes qui nous disent qu'ils ont le droit de reproduire ici les conflits, les cultures et les intégrismes qu'ils ont quittés...

Les étrangers que nous avons toujours accueillis arrivent désormais, de plus en plus nombreux, en nous disant qu'ils sont chez eux ici, à leurs conditions, et que toute tentative de les intégrer au Québec français historique relève de l'intolérance et de la xénophobie...

Les Libanais qui arrivent ici avaient un pays bien à eux... les Algériens aussi... les Italiens aussi... les Portugais de même... les Grecs aussi... les Africains et Antillais aussi... Nous, par contre, n'avons jamais eu de pays à notre image, ayant toujours été dominés par des gouvernements à majorité anglaise depuis la conquête...

Notre seul «chez-nous», c'est le Québec, petit village encerclé dans cette grande Nord-Amérique anglo-dominée... Nous avons le droit de nous défendre, nous avons le droit d'assurer que les nouveaux métissages, que nous souhaitons, se fassent dans le respect de nos principales valeurs et traditions... Ce n'est pas trop demander, il me semble...

En attendant de transformer notre demi-État en pays (ciel que ce jour arrive!!!), tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes, survit autour du grand fleuve....

Si nous ne le défendons pas, nous ne serons plus, comme l'écrivait le poète Paul Chamberland au milieu des années 1960, qu'une «page blanche de l'histoire»...

Nos ancêtres auront-il fait tant d'enfants pendant des siècles; nos auteurs, chanteurs, historiens, journalistes et autres auront-il créé une culture originale qui fait notre gloire; notre peuple aura-t-il mis tant d'efforts pour conserver le fil qui nous relie à la France; ces générations d'hommes et de femmes qui ont bâti de peine et de misère tout ce dont nous jouissons aujourd'hui, auront-elles sué et peiné pour voir une génération de lâches tout laisser tomber?

La moment est venu de poser la question qui risque de tuer... Ce qui nous avons érigé comme nation, comme peuple, depuis le 17e siècle, tout cela vaut-il la peine d'être sauvé, protégé, renforcé? Ou dira-t-on, en s'enivrant dans un multiculturalisme facile et anglicisant, que cela ne nous intéresse plus...

Les libéraux de Philippe Couillard et Québec Solidaire ont clairement indiqué leur rejet, non seulement du projet du Parti Québécois, mais de ce que nous sommes comme nation, de notre droit d'exister, de créer une société à notre image, accueillante pour les autres... mais à nos conditions.

Gilles Vigneault l'a résumé avec éloquence en une phrase. «Pour accueillir l'étranger, faut être chez soi»...

On veut nous enlever notre «chez-soi»... et manifestement, des milliers des nôtres sont prêts à l'abandonner sans combattre...








vendredi 19 mai 2017

St-Jude, êtes-vous là?


Si on voulait la preuve que la nation québécoise donne de sérieux signes de dislocation après des centaines d'années de croissance et de résistance, on n'a pas à regarder plus loin qu'en Outaouais.

Déjà quasi amputé du Pontiac, où les Canadiens français ont été brutalisés et assimilés comme s'ils avaient vécu en Ontario, le coeur francophone de la région frontalière semble aujourd'hui sur le point de flancher.

Le centre-ville de Gatineau (le vieux Hull), jadis à peu près unilingue français, a été pillé par le gouvernement fédéral à la fin des années 1960 et tombe aujourd'hui, avec la bénédiction de nos autorités, aux mains de constructeurs qui l'anglicisent à vue d'oeil...

Partout sur le territoire de Gatineau, et sans doute dans la Basse-Gatineau périphérique, on s'en donne à coeur joie pour violer la Loi 101 sous les regards indifférents de l'OLF, des élus et d'un public dressé par des générations de libéraux à craindre davantage les «séparatistes» que l'assimilation...

Mais s'il fallait l'ultime preuve du piètre état de la nation ici, cette affaire des taxes scolaires servira de cerise sur le sundae...

S'il restait une once de fierté collective dans cette population historiquement malmenée de la vallée de l'Outaouais et affluents, nos députés - tous libéraux - seraient en fuite dans une contrée lointaine, chassés par un électorat outré de leur inefficacité (pour ne pas dire complicité)...

Dans une société où les revenus sont stagnants ou en régression et où les prix augmentent sans cesse, comment pensez-vous que le citoyen ordinaire réagira quand on a le choix de payer 375$ par année en taxes à la commission scolaire anglophone... ou le double ou pire (851,45$ à la Commission scolaire des draveurs) dans les CS francophones?

Et c'est un cercle vicieux... Plus les taxes scolaires augmentent dans le secteur français, plus nombreux sont ceux et celles, parmi les francophones, qui décident de payer leurs taxes aux anglophones. Ils en ont le droit! Le résultats? La facture des francophones va monter encore l'an prochain, et celle des anglos va de nouveau baisser...

L'affaire est éminemment politique. Le ministère de l'Éducation peut intervenir, les députés peuvent user de leur influence pour forcer le ministère à le faire. Mais rien ne se règle. Les dirigeants des commissions scolaires de langue française en sont au point où ils demandent à la population de faire pression sur les députés (bit.ly/2qBvqBD)...

Mais c'est au sein de cette même population que l'on compte de plus en plus de défections vers le secteur anglais. Et pensez-vous que nos braves élus très provinciaux ne sont pas au courant? Ils savent parfaitement ce qui se passe et ont toutes les difficultés à lever le petit doigt à chaque fois que les francophones se font rosser... Ils l'ont amplement montré dans le dossier des cours anglais à la future faculté de médecine de McGill, à Gatineau...

Alors voilà... Au lieu de se tenir, de lutter pour les commissions scolaires de langue française, de nombreux francophones n'ont aucun problème à faire le vire-capot pour économiser des centaines de dollars par année... Et nos élus restent plantés là, à constater la désintégration d'un pan de la francophonie outaouaise, sûrs d'être réélus en 2018 par une population qu'ils se font un plaisir de terroriser avec la «menace» péquiste à tous les quatre ans...

Un miracle se produira-t-il? Québec mettra-t-il ses culottes pour uniformiser les taxes scolaires ici et obliger les citoyens à payer à la commission scolaire linguistique appropriée?

J'imagine que d'un premier ministre qui a peur du drapeau des patriotes parce que les indépendantistes en ont fait un de leurs symboles (ils l'ont fait aussi pour le fleurdelisé), on ne doit pas attendre de miracle...

Mais on ne sait jamais... St-Jude, priez pour le Québec...

jeudi 18 mai 2017

Adieu Dean Louder!


J'aurais aimé rencontrer Dean Louder. Il est mort le 9 mai 2017, sans que j'aie eu la chance de le connaître autrement que par quelques échanges via Facebook... J'aurais voulu aborder avec lui son sujet de prédilection (et l'un des miens), l'Amérique française. Comme journaliste, j'aurais eu un plaisir fou à l'interroger sur la trajectoire de vie qui l'a mené de son Utah natal jusqu'au Québec, où il a planté ses pénates au point de devenir véritablement «l'un des nôtres».

J'avais acheté vers la fin de mars la nouvelle édition du livre Franco-Amérique (bit.ly/2q6bx5d), que Dean Louder a co-dirigé avec Éric Waddell. J'avais reçu un court message de Dean Louder par Facebook, quelques jours auparavant: «Pierre, pendant que j'y pense, dans l'intro de la nouvelle édition, nous te citons»... J'étais flatté qu'on me cite, bien sûr, mais encore plus heureux de savoir que ce champion de l'Amérique française lise à l'occasion mes textes de blogue...

Dès qu'on m'a informé de son décès, j'ai fait le tour des médias québécois, espérant y trouver quelque texte ou hommage bien senti pour celui (du moins selon ceux qui en savent quelque chose) qui fut l'un des grands de cette «Franco-Amérique» qu'il continuait de fréquenter, de découvrir et de raconter. Mais je n'ai rien vu. J'étais déçu. Je ne peux pas dire que j'étais surpris, cependant, vu l'état actuel des journaux, de la télé et de leurs salles de rédaction décimées...

Je n'aurais pas de peine à croire que son parcours de vie fût tout à fait unique. Né en 1943 à Park City, dans l'État américain du Utah, mormon comme la plupart des gens de ces régions, Dean Louder a obtenu ses diplômes universitaires à Salt Lake City Puis à Seattle (Université de Washington). Sa première incursion dans l'univers francophone est survenue à l'âge de 19 ans, quand il a séjourné deux ans à Paris comme missionnaire mormon.

Pendant ses études à Seattle, il avait rencontré un Québécois, Paul Villeneuve, doctorant comme lui en géographie, qui l'attira à l'Université Laval. Je laisse Anne Gilbert, elle aussi géographe et directrice du Centre de recherche en civilisation canadienne-française de l'Université d'Ottawa, poursuivre le récit:

«Dean Louder arrive à son tour à Québec en 1971. Il enseigne la géographie sociale à Laval. Il s’intéresse à l’espace des minorités – enfants et personnes âgées, Noirs, populations démunies - notamment aux États-Unis. Il passe sa première année sabbatique en Louisiane, en 1977-1978. La Louisiane est le pays de son épouse. Il y retrouve l’Amérique, non pas celle de son enfance ou de son enseignement, mais une Amérique différente, française.»

Il a pris sa retraite en 2003. Selon un collègue et ancien étudiant fransaskois, Michel Marchildon, il a «poursuivi sa passion de géographe en sillonnant les routes d'Amérique.» Au début de mai, une semaine avant sa mort, il avait raconté dans son blogue, Les carnets de Dean Louder (bit.ly/2ruVTz3), ce qui devait être son ultime voyage terrestre, une participation au Rassemblement des écrivains, artistes et créateurs franco-américains au Centre franco-américain de l'Université du Maine.

Le chanteur louisianais Zachary Richard fut parmi les nombreux amis et admirateurs qui ont rendu hommage à Dean Louder dans les jours suivant son décès: «Nous avons perdu un grand homme, et j'ai perdu un grand ami», écrit-il. Un autre message est signé Valérie Broussard, toujours de Louisiane: «Il était un grand homme qu'avait une belle esprit. Sa passion et son amour pour le français et ses recherches du français en Amérique sont inspirantes.»

Dean Louder était aussi estimé comme professeur. Christine Bricault, coordonnatrice au Conseil québécois du patrimoine vivant, lui rend un vibrant hommage: «Il y a de ces professeurs qui marquent... Dean Louder était assurément l'un d'eux. Quelle passion! Quel amour de transmettre. Et un tel respect pour ses étudiants. Que de bons souvenirs des cours et des séjours sur le terrain des chers Francos d'Amérique.» Un autre ancien étudiant, Michel Bouchard, ajoute: «Il a tellement fait pour la francophonie»... Et de conclure Adrien Bérubé, du Nouveau-Brunswick: «La Franco-Amérique perd son meilleur ambassadeur.»


L'Université franco-manitobaine de Saint-Boniface lui avait décerné un doctorat honorifique en 2015 et rendu hommage à son dévouement pour la francophonie nord-américaine (bit.ly/2pXGDcM). Michaël Landry, de Québec, a finalement bien résumé la vie de Dean Louder: «Merci, Dean. Toi tes souliers ont beaucoup voyagé. Bonne route.»

Cet Anglo-Américain du Utah qui aimait le français au point de s'établir à Québec et d'y consacrer sa carrière et son oeuvre mérite, me semble-t-il, quelque reportage dans nos grands journaux et en ondes à l'occasion de son décès. L'animation intense que son départ a provoquée dans les médias sociaux n'a pas eu d'échos dans les médias traditionnels du Québec... On doit le regretter, sans pour autant s'en surprendre...



      

vendredi 12 mai 2017

Carnet de souvenirs...


À 70 ans, la mémoire est une faculté qui oublie de plus en plus... J'ai parfois l'impression qu'avec l'âge, notre bagage de souvenirs finit par arriver au point de débordement, tout ajout majeur enclenchant une purge de quelque ancienne expérience ou personne conservées jusque là dans un des multiples tiroirs du cerveau-mémoire...

Sont-ils alors perdus pour de bon? Pas nécessairement... Il arrive que la redécouverte d'un objet ou d'une photo, l'écoute d'une ancienne musique, la vue d'un paysage familier, ou encore l'arôme d'un mets ou d'un végétal, ressuscite des images, des sons, des tranches de vie qui, autrement, auraient pu effectivement être irrémédiablement effacés...

Récemment, j'ai retrouvé un vieux carnet de numéros de téléphone des années 1990. S'il n'en était pas tombé deux billets d'entrée un peu affadis, l'un pour une présentation de Broue à Ottawa, le 12 février 1994, l'autre pour un match des Expos contre les Marlins, le 3 mai 1995, j'aurais sans doute rangé ce calepin, sans plus. Ma curiosité l'a cependant emporté et je l'ai feuilleté...

Je me suis d'abord souvenu de la raison pour laquelle je l'avais acheté en 1991... Le Droit venait de me mettre à la porte (pour la première fois) après 22 années de service comme reporter, éditorialiste, metteur en page, chef des nouvelles et rédacteur en chef... Un dur coup quand on atteint la mi-quarantaine, mais avec une famille et trois enfants d'âge scolaire, il fallait bien se recycler... et vite!

Après une tentative de réorientation chez des «chasseurs de tête» qui m'ont vite dit que «je ne "fittais" pas dans le moule» (ayant refusé de répondre à de sottes questions comme «Croyez-vous aux extraterrestres?»), je n'ai retenu qu'une de leurs suggestions... celle de m'astreindre à écrire le nom et le numéro de téléphone de 100 personnes qui pourraient m'aider à trouver du boulot dans le seul domaine que je connaissais vraiment - la rédaction, préférablement journalistique.

D'où l'achat de ce carnet de contacts possibles avec leurs coordonnées, que j'ai graduellement rempli jusque vers la fin des années 1990 avant de l'enfouir sous mes multiples tas de paperasses pour quelques décennies... J'ai la conviction qu'il a servi pendant au moins sept ou huit ans parce que les premières entrées ont des numéros de fax et que les dernières s'accompagnent d'adresses de courriel... Je m'étais abonné à l'Internet en 1995...

J'y ai trouvé, entre autres, une coupure de presse de 1997 du jamais très subtil Ottawa Sun (surtout quand il s'agit du Québec), portant le titre grossier Council knocks FLQ judge... portant sur les démarches de destitution du juge Richard Therrien, qui avait été emprisonné à la suite de la crise d'octobre (pour ses liens avec des membres du FLQ), et dont un pardon officiel avait effacé par la suite la condamnation. Pour les lecteurs du Sun, il n'état qu'un FLQ judge...

Dans ce carnet, quelques pages sont réservées à l'Association du Barreau canadien (ABC), une organisation à laquelle j'ai collaboré pendant près d'une trentaine d'années (depuis 1984)... à la fois comme journaliste et traducteur. En 1992, l'ABC avait transformé son bulletin (Le National), passant du papier journal à un magazine papier glacé, modifiant aussi le contenu pour privilégier des reportages à caractère juridique plus étoffés.

Comme j'avais la responsabilité des textes en français (jusqu'en 1998 je crois), il fallait s'assurer d'une brochette de collaborateurs et j'ai reconnu dans la liste des noms de journalistes qui avaient commencé et qui ont continué d'occuper l'avant-plan du monde de l'information au Québec, y compris Yves Boisvert, Isabelle Richer, Michel Hébert, Huguette Young, ainsi que Julie Latour, qui devint par la suite bâtonnière de Montréal.

J'ai aussi retrouvé deux pages de noms et de téléphones de dirigeants et cadres de la compagnie Maclaren, dans le secteur Masson-Buckigham de Gatineau, où je collaborais également comme journaliste au bulletin corporatif et traducteur. Il faudra écrire un jour l'histoire du démantèlement de cette ancienne entreprise familiale, acquise par un conglomérat torontois au début des années 1980. Les empires industriels et les capitalistes qui les dirigent n'ont pas de coeur, presque par définition. L'encre noir en quantités croissantes... et après ça le déluge... ils s'en moquent...

Cette entreprise de la vallée de la Lièvre s'était civilisée au fil des décennies. Ses dirigeants et l'entreprise tout entière s'étaient francisés, et elle était devenue largement autosuffisante, produisant du papier journal et de la pâte à papier à partir de ses concessions forestières et scieries. Elle avait même sa propre entreprise d'électricité, qu'Hydro-Québec semblait avoir oubliée dans sa rafle de nationalisations à partir de 1962...

La direction de Foresterie Noranda (siège à Toronto) n'avait aucune notion, ni aucun désir de forger de très forts liens communautaires, comme ceux qui existaient entre Maclaren et la collectivité citoyenne. On a systématiquement dépecé l'entreprise, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de l'ancienne compagnie James Maclaren à la fin des années 1990... Je ne sais même pas si on a sauvé ses archives presque centenaires et les nombreux artefacts amassés au fil du siècle...

Mon petit carnet abrite aussi les coordonnées d'anciens camarades journalistes du Droit, dont plusieurs sont décédés bien trop tôt... Jean-Guy Bruneau (mort dans la jeune soixantaine), Guy Béland (emporté par un cancer dans la cinquantaine), Fulgence Charpentier (l'exception, qui a vécu jusqu'à 103 ans...), Michel Gratton (décédé à 58 ans), ou encore Murray Maltais (qui a à peine eu le temps de prendre sa retraite). Ce métier use...

Ces amitiés remontaient à l'époque où Le Droit était un prospère quotidien d'après-midi, indépendant des chaînes et empires qui devaient plus tard le saigner. Dans la salle des nouvelles, régulièrement bondée jour et nuit, régnait l'ancienne cacophonie de machines à écrire piochées à deux doigts et de discussions animées, le tout dans un nuage de fumée de cigarettes...

Ce carnet témoigne de mon apprentissage, dans les années 1990, de l'univers des travailleurs autonomes après 22 ans de permanence au Droit. Un monde d'inquiétude constante, où l'on travaille souvent sept jours sur sept, avec des années entières sans vacances quand il le faut. Un monde où l'on réapprend un peu tout, même le métier qu'on exerce depuis la fin des années 1960... le vocabulaire qu'on élargit en traduisant, l'éthique qu'on reconnaît mieux en rédigeant des centaines de publi-reportages (ou des discours), une compréhension plus vive que les tâches les plus banales sont parfois les plus essentielles et les plus difficiles...

Il fallait sans doute que je passe toutes ces années comme pigiste - au Droit (avec la publicité), à La Presse, au magazine Industrie et commerce, à l'Association du Barreau canadien, la ville de Gatineau, quelques ministères fédéraux, Maclaren et bien d'autres - pour jeter un regard frais sur ma profession... je dirais même pour devenir meilleur journaliste. Quand l'occasion s'est présentée de devenir éditorialiste à mon ancien quotidien, en 2002, j'étais prêt...

Ce petit carnet rempli de personnes, d'entreprises, de lieux et de numéros de téléphone d'une époque désormais révolue n'ira pas au bac de recyclage...





mercredi 3 mai 2017

Université franco-ontarienne... Attendre 10 ans n'est plus une option...

la page une de La rotonde, octobre 1968...

La semaine dernière, le mardi 25 avril, à Ottawa, j'étais l'un des cinquante ou soixante participants à une «journée de réflexion» sur la dernière mouture du projet de création d'une université franco-ontarienne. Lancée avec beaucoup d'énergie en 2012 par le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), cette campagne bien huilée a rallié en cours de route la Fédération de la jeunesse franco-Ontarienne (FESFO) et l'Assemblée de la Francophonie de l'Ontario (AFO).

En principe, l'idée est simple et parfaitement justifiable: s'assurer que les francophones de l'Ontario puissent avoir accès à un régime complet de programmes universitaires de langue française et, surtout, en obtenir la gouvernance. Depuis 1867, les Anglo-Québécois assument la pleine gestion de leurs institutions universitaires. Les Acadiens ont leur Université de Moncton depuis la fin des années 1960. Alors quel est le problème en Ontario? Pourquoi réclame-t-on toujours en 2017 des droits que d'autres minorités exercent depuis belle lurette?

Répondre à cette question n'a rien de facile... En 2014, les promoteurs du projet étaient divisés quant au modèle de gestion universitaire à proposer, ce qui a permis au gouvernement Wynne de sa faufiler, presque du bout des lèvres, sans budget, avec l'offre d'un seul mini-campus universitaire de langue française (quand???) dans la région de Toronto...

Les monstres sacrés bilingues...

Secundo, la ferme opposition des deux monstres sacrés bilingues, l'Université d'Ottawa et l'Université Laurentienne à Sudbury, où logent l'immense majorité des étudiants universitaires franco-ontariens, constitue un obstacle formidable, d'autant plus que les administrations de ces deux universités ont des liens et des appuis bien plus puissants à Queen's Park que les militants du RÉFO, de la FESFO et de l'AFO...

Pour faire bouger le gouvernement de Mme Wynne, déjà impopulaire et craignant de subir une cuisante défaite au prochain scrutin, il faudrait une pression populaire du genre qu'on avait vu à l'époque de SOS Montfort, quand les francophones étaient prêts à dresser des barricades devant «leur» hôpital et alors que plus de 10 000 personnes avaient envahi le stade municipal pour crier: «Montfort fermé? Jamais!» Or, à l'extérieur d'un noyau convaincu d'étudiants et d'adultes dans les organisations qui militent pour l'université franco-ontarienne, ce type de mobilisation est présentement à peu près inexistant...

Pire, le temps joue contre les Franco-Ontariens dans cette course vers la gouvernance universitaire... L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit la gestion scolaire francophone en milieu minoritaire (là où le nombre le justifie) au primaire et au secondaire. La création de collèges de langue française a suivi de peine et de misère à la fin des années 1980, bénéficiant de conjonctures favorables sur la scène politique et constitutionnelle canadienne. Mais rien n'a bougé au palier universitaire depuis les années 1960 malgré de multiples revendications franco-ontariennes, et cette fois, la Constitution, ne semble d'aucune utilité...

Par ailleurs, les données démographiques et socio-géographiques annoncent des jours sombres la collectivité franco-ontarienne, la plus importante minorité francophone hors-Québec. Un conférencier à la journée de réflexion du 25, s'appuyant sur les données de la plus récente analyse de Statistique Canada (projections jusqu'en 2036), a prédit que les effectifs franco-ontariens resteraient stables. Pas vraiment de croissance. S'il avait conjugué cette étude à une précédente, du même chercheur (Jean-Pierre Corbeil), en 2010, il aurait peut-être adopté un ton plus pessimiste, et donc plus urgent...

Tenir compte de l'exogamie

Le document Corbeil de 2010 évoquait entre autres un phénomène qui a été peu mentionné à la journée de réflexion: l'exogamie. Stéphane Dion, à un colloque de l'UQAM en 2012, affirmait que c'était le plus grand défi des minorités acadiennes et canadiennes-françaises à travers le pays. Selon Statistique Canada, près de 70% des jeunes Franco-Ontariens vivent dans des unions exogames (là où l'un des conjoints de parle pas le français) et trois enfants sur quatre issus de ces unions seront anglophones. Je ne suis pas fort en calcul mais j'ai peine à croire que l'immigration puisse combler les manques à gagner.

Un autre élément du dossier, essentiel pour l'avenir de l'Ontario français, manquait aux discussions du 25 avril: la disparition graduelle des quartiers francophones urbains (Ottawa, Cornwall, Sudbury, Welland, Windsor), particulièrement depuis les années 1960 et 1970... Il reste aujourd'hui plus de 100 000 francophones à Ottawa, mais ils ne forment une majorité dans aucun quartier de la ville, même pas dans la Basse-ville (le bastion traditionnel) et le secteur Vanier...

Déplacement des axes de force?

Les forces franco-ontariennes les plus dynamiques se sont traditionnellement enracinées dans les villes, notamment à Ottawa et Sudbury. Désormais elles devront compter davantage sur les petites municipalités et les régions rurales (dans l'Est et le Nord) où les francophones restent majoritaires. La relative absence de réseaux entre ces régions dispersées créera d'énormes difficultés que seul l'Internet (Facebook, Twitter, etc.) semble avoir des chances de surmonter. Et ça reste à voir... Il faudrait sans doute tenter de harnacher la force d'une page Facebook comme Fier d'être Franco-Ontarien, qui regroupe plus de 6000 adhérents des quatre coins de la province...

Enfin, lors de la journée de réflexion du 25 avril, on a à peine scruté les enjeux médiatiques. D'abord, la majorité des Franco-Ontariens suivent les journaux, la télé, la radio et l'Internet en anglais, et aucun média de langue anglaise ne couvre vraiment les dossiers franco-ontariens. Ils n'étaient pas à la journée de réflexion, en tout cas...

Quant aux médias...

Et parmi les médias de langue française, entre Radio-Canada, #OnFr (TFO), Le Droit, des hebdos et stations de radio, un certain auditoire est rejoint mais il est fort incomplet. Sans compter que la couverture médiatique est au mieux irrégulière, particulièrement au navire amiral historique, Le Droit. Ce que tout cela signifie, c'est que le message véhiculé par le RÉFO, la FESFO et l'AFO n'a pas eu, n'a pas et n'aura peut-être pas les effets escomptés sur le vaste public visé. Ni dans les milieux francophones, ni chez les Anglos...

Journée de réflexion féconde

La journée du 25 avril réunissait des professeurs, des représentants d'associations, des administrateurs scolaires, des étudiants et étudiantes, de tous les coins de l'Ontario. Les discussions étaient intéressantes et fécondes, dans la mesure où l'on semble vouloir rétablir l'une des cibles premières: une gouvernance francophone sur l'ensemble de l'offre universitaire en français, même si cela signifie une remise en question de la structure actuelle des deux monstres bilingues. D'un certain sens, le dossier progresse à l'interne, essentiellement dans les milieux franco-ontariens militants.

Mais ce gouvernement ne bougera pas, ni son successeur, qui qu'il soit (peut-être le NPD???), et la coalition AFO-RÉFO-FESFO n'a pas - pour le moment - les moyens de brandir toute la puissance de l'opinion publique. Compte tenu que l'on semble s'entendre désormais sur l'objectif final (bit.ly/2pGUhBH), il est grand temps pour l'état-major franco-ontarien de réfléchir à l'étape suivante: trouver des stratégies d'action porteuses de résultats à très court terme... Attendre dix ans dans l'espoir du grand déblocage n'est plus vraiment une option...



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NB - J'ai dû quitter avant la fin du dernier débat de l'après-midi à la journée de réflexion du 25 avril. Si on y a mis à l'avant-plan certains points que j'aborde ci-dessus, je compte qu'on me le fera savoir...





mardi 2 mai 2017

McGill à Gatineau... Le boutte du boutte...

Ce n'était qu'une nouvelle brève, parue le mardi 2 mai 2017 dans notre quotidien local, Le Droit, sous le titre McGill à Gatineau - Maryse Gaudreault veut calmer le jeu... Mais un texte n'a pas besoin de contenir 15 paragraphes (dans ce cas-ci, un seul suffit!) pour comprendre que nos députés locaux ne saisissent, mais pas du tout, l'ampleur des enjeux entourant la création d'une faculté de médecine en Outaouais, plus précisément à Gatineau.

Si Mme Gaudreault proposait aux Franco-Ontariens ce qu'elle offre aujourd'hui aux gens de l'Outaouais, on la mettrait à la porte à coups de pied... Les organisations de nos frères et soeurs francophones de l'Ontario ont depuis longtemps compris que les institutions scolaires bilingues sous gouvernance anglophone deviennent invariablement des instruments d'anglicisation. Voilà pourquoi ils réclament avec de plus en plus d'insistance une université de langue française sous gouvernance francophone - une université «par et pour» les Franco-Ontariens...

Or, Mme Gaudreault nous présente comme solution de l'heure une faculté où tous les cours magistraux de la première année et demie sont donnés en anglais, en ajoutant que le gouvernement et McGill ont pris l'engagement d'offrir des cours 100% en français «éventuellement». Que signifie cet «éventuellement»? La seule estimation du délai de francisation que j'aie pu trouver est celle du directeur régional de l'enseignement médical à McGill, le Dr Gilles Brousseau: «Ca prend des années pour faire un programme (en français), ça peut prendre une dizaine d'années»...

Pourquoi se presseraient-ils davantage? L'Université McGill est une institution prestigieuse certes, et dotée de moyens, mais c'est une université de langue anglaise, fondée et gouvernée «par et pour» les Anglo-Québécois. La langue de l'administration, c'est l'anglais. La culture de l'organisation est anglaise. Je ne proteste pas contre ça. Nos concitoyens de langue anglaise ont le droit le plus strict de gérer leurs propres institutions. Ce que nous ne devons pas accepter, c'est qu'un gouvernement - le nôtre - confie à une université anglaise des étudiants francophones ayant le droit d'étudier chez eux en français - et que ce même gouvernement accepte de leur voir ainsi imposé un curriculum en anglais jusqu'à ce qu'«éventuellement», ça change...

Personne ne conteste la valeur du rôle que McGill joue en milieu hospitalier chez nous. C'est une collaboration qui doit continuer. Mais en matière d'éducation, les Québécois francophones ont le droit d'étudier la médecine en français dans une institution de langue française - du premier au dernier jour, sans compromis. Or, telle institution existe en Outaouais, à Gatineau. L'Université du Québec en Outaouais (UQO) pourrait amorcer un programme en médecine avec l'aide d'une des trois universités de langue française offrant déjà un programme complet de médecine...

Le projet initial, dont on avait parlé en 2014, prévoyait que la faculté satellite de médecine (satellite de qui?) prenne forme sur le campus de l'UQO. Tous ces cours théoriques qu'on donnera en anglais devaient à l'origine s'offrir en français à l'UQO, selon le recteur de l'institution, Denis Harrison.

Si Mme Gaudreault et ses collègues ne comprennent pas les effets culturels d'un enseignement anglo-bilingue dans une université de langue anglaise, il est grand temps qu'ils fassent un pèlerinage en terre ontarienne pour se faire «instruire» sur les conséquences probables, à court ou à moyen terme. Et nos députés libéraux pourraient emmener avec eux le chef du Parti Québécois, Jean-François Lisée, qui, tout en se ralliant à des cours 100% en français, accepte que la faculté évolue sous l'égide de McGill.

Je suis un ancien Franco-Ontarien... Peut-être cela explique-t-il mon désarroi devant l'apparente incompréhension des grands enjeux dans cette affaire... On semble croire que nous sommes à l'abri de l'assimilation parce que nous vivons sur la rive nord de l'Outaouais, dans un milieu majoritairement francophone... Des bergers aveugles, nous menant droit au précipice...