mercredi 21 février 2018

Le Canada et le français aux Olympiques


Comme s'il n'était pas déjà suffisant d'être obligé de s'entraîner et de jouer uniquement en anglais pour représenter le Canada au hockey (ou dans tout autre sport), voilà qu'il faudra aussi prononcer à l'anglaise des noms français ou non-anglais... Mark-Ondrey Gragg-nanny, Derrick Royye, Reney Bork... Dans les cercles dirigeants du hockey Canadian, non seulement refuse-t-on généralement de parler français, on semble désormais décidé à ne plus l'entendre... ni dans le vestiaire, ni sur la glace, ni même en ondes à la télé de langue française...

L'hypocrisie d'un Canada où le français serait égal à l'anglais éclate plus qu'ailleurs dans le domaine des sports dits nationaux. Le public et les joueurs francophones apprennent vite que c'est Team Canada... Écoutez les hockeyeurs (et de nombreux commentateurs) livrer une savante description de leur 110% dans un franglais pitoyable... Je ne les blâme pas... C'est ainsi qu'ils l'ont appris parce que c'est ainsi qu'on le leur a imposé... «Notre forecheck a arrêté leur power play».... Misère...

Au-delà de l'occasionnelle indignation de nos politiciens et des lettres au courrier du lecteur, la suppression du français dans le sport «national» canadien ne soulève guère les passions. Peut-être parce que la plupart des sportifs et des amateurs jugent la situation inévitable, et donc normale... Mais  pourquoi des joueurs de hockey, des skieurs, des planchistes ou des patineurs francophones ne pourraient-ils pas participer aux Olympiques d'hiver dans leur langue, avec une solide maîtrise du vocabulaire technique français, sans s'enfoncer constamment dans un bourbier d'anglicismes?

Il faudrait d'abord un vouloir collectif qui, s'il existait, se buterait rapidement à des organisations pan-canadiennes qui ne fonctionnent qu'en anglais et qui, pour la plupart, traitent au mieux le français comme une nuisance nécessaire. Beaucoup de token French et de mauvaises traductions... L'idée de faire fonctionner une équipe canadienne en français ne leur viendrait sans doute jamais à l'esprit. Pourtant, sur le plan linguistique, il y a bel et bien deux Canada. Ne devrait-il pas alors y avoir deux équipes «nationales», une francophone, l'autre anglophone?

Poser la question, c'est y répondre. La réponse sera «non» ou, à la limite, quelque chose comme «let's talk about this», suivi de décennies de palabres, en attendant que l'anglicisation du Québec atteigne un point de non-retour et que le problème se règle par la folklorisation de notre nation francophone. Il ne reste alors qu'une solution possible pour assurer la présence d'équipes nord-américaines de langue française dans les compétitions internationales: participer sous la bannière du Québec.

Impossible? Mais pas du tout. Le Québec, à titre de porte-parole de sa nation, n'a qu'à exiger d'Ottawa qu'il assure une participation collective et distincte du Canada français aux différentes coupes du monde et Jeux Olympiques. Si le gouvernement fédéral dit non, et il dira non, le Québec est pleinement justifié de présenter ses propres équipes, qui pourraient même s'identifier comme Québec (Canada) et coller de petits unifoliés sur les uniformes fleurdelisés... Le Canada n'a rien dans son arsenal multiculturel pour justifier l'interdiction d'équipes de langue française à l'extérieur du pays.

Quant aux organisations mondiales, elles acceptent déjà des non-pays à droite et à gauche. Même les Nations Unies ont déjà accordé des sièges à la Biélorussie et à l'Ukraine quand elles étaient des États fédérés de l'Union soviétique... Aux Jeux Olympiques d'été et d'hiver, on note la participation d'au moins sept délégations de territoires sans statut de pays: Porto Rico, Hong Kong, Guam,  Samoa, Îles Vierges britanniques, Îles vierges des États-Unis... Alors pourquoi pas le Québec?

Mais la question reste: doit-on devenir anglophone pour faire partie des Team Canada? Si oui, on continue d'accepter ou on exige que ça change? Si on veut que ça change, il n'y a que deux options: fignoler deux équipes canadiennes, une anglaise, l'autre française, ou accepter que le Québec s'en occupe. Cela ne changera rien pour les Team Canada qui sont déjà unilingues anglais.

Mais pour nous, francophones québécois, ainsi que pour les Acadiens et Canadiens français qui voudront bien se joindre à nous, cela fera toute la différence, surtout quand on sait qu'un événement comme les Jeux Olympiques constitue un immense tremplin pour les appareils de propagande nationale. On n'a qu'à regarder ce que fait sans gêne le Canada à PyeongChang 2018...






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