lundi 30 avril 2018

Avec des amis comme le Barreau du Québec et le Barreau de Montréal, la langue française n'a guère besoin d'ennemis


Avec des amis comme le Barreau du Québec et le Barreau de Montréal, la langue française n'a guère besoin d'ennemis ces jours-ci... Les Anglo-Québécois, en supposant qu'un jour ils eussent voulu contester la constitutionnalité des lois québécoises pour carence de bilinguisme, n'auront même pas à lever le petit doigt. Les dirigeants de notre élite juridique «francophone» ont pris les devants, s'érigeant, comme de véritables colonisés, en protecteurs de la langue anglaise au Québec.

Ce plus récent chapitre de notre désolante saga linguistique tourne autour de l'article 133 du vétuste Acte de l'Amérique du Nord britannique, une loi adoptée par le Parlement britannique en 1867 et dont seule la version anglaise est officielle. Cet article, dont l'un des objets évidents est de protéger la minorité anglo-québécoise contre toute velléité d'affirmation de la majorité francophone, affirme que «les lois du Parlement du Canada et de la législature de Québec devront être imprimées et publiées dans les deux langues». On ajoute que l'usage du français et de l'anglais sera également obligatoire pour «la rédaction des archives, procès-verbaux et journaux de ces chambres». Quant au reste, l'emploi de l'une ou l'autre langue demeure facultatif.

Dans la version originale de la Loi 101 (Charte de la langue française), en 1977, les articles 8, 9 et 10 se lisaient comme suit:

8. Les projets de loi sont rédigés dans la langue officielle. Ils sont également, en cette langue, déposés à l'Assemblée nationale, adoptés et sanctionnés.
9. Seule le texte français des lois et règlements est officiel.
10. L'Administration imprime et publie une version anglaise des projets de lois, des lois et des règlements.

Même si ce texte respecte scrupuleusement la lettre de l'article 133, sa légalité a été presque immédiatement mise en cause et dans son arrêt Blaikie de 1979, la Cour suprême du Canada l'a déclaré inconstitutionnel. Pour ce faire, elle a modifié le sens littéral de l'article 133, affirmant que l'obligation d'imprimer et publier les lois dans les deux langues conférait à l'anglais «un statut officiel» au Québec. Le gouvernement Lévesque avait modifié par la suite la Loi 101 pour se conformer au jugement de la Cour suprême, mais le Barreau estime que le processus législatif actuel reste trop francophone et continue de violer l'esprit de l'article 133... Ainsi, estiment nos juristes, toutes les lois adoptées en vertu de cette procédure doivent être jugées inconstitutionnelles !!!

À ceux et celles qui oseront rappeler à nos frileux barreaux et aux neuf magistrats «suprêmes» (tous nommés par le premier ministre fédéral) que l'article 133 mentionne l'obligation des deux langues seulement pour l'impression et la publication des lois, rien de plus, on répondra sans doute que la Cour avait précisé dans Blaikie que «si l'on donne à chaque mot de l'art. 133 toute sa portée, il devient évident que cette exigence (du statut officiel des deux langues) est implicite».

Évident pour qui? Pour le plus haut tribunal du Canada, qui troque la lettre de l'AANB pour sa propre perception de «l'esprit» de cette loi, un esprit qu'on va chercher où? Dans la tête des législateurs britanniques de 1867 ou des Pères de la Confédération, qui ne sont plus là pour s'expliquer? Ou dans la nécessité de remettre à sa place un gouvernement indépendantiste et de redonner aux Anglo-Québécois leur blindage solide?

Vous croyiez que les tribunaux s'en tenaient au texte de la loi? Détrompez-vous! Nos juges fédéraux en mènent large, et encore davantage depuis qu'on nous a imposé la Loi constitutionnelle de 1982. Ils sont devenus les arbitres des litiges constitutionnels et puisent un peu partout les arguments sur lesquels seront édifiés leurs décisions. Ainsi, dans le Renvoi sur la sécession de 1998, ils avaient clairement évoqué certaines des règles constitutionnelles «non écrites» dont ils tiennent compte, y compris le «contexte historique» et le «respect des minorités». Un véritable champ de mines...

Nos barreaux pourraient invoquer des tas d'arguments pour défendre la Charte de la langue française (même l'originale) et le statut de la langue française à l'Assemblée nationale. Au-delà de l'iniquité d'être jugés par des magistrats nommés par l'adversaire (et qui ont depuis 1982 des pouvoirs accrus), notre élite juridique aurait pu faire valoir, entre autres, que le respect des minorités francophones ailleurs au pays n'a jamais été aussi «implicite» que celui de la minorité anglaise du Québec.

À preuve, la décision relativement récente sur le statut de la langue française en Alberta et en Saskatchewan, où le jugement de la Cour suprême contre les francophones avait des allures plus politiques que juridiques... Cette fois, parce que les droits des francophones n'étaient pas expressément inscrits et définis dans la Constitution, l'esprit de la loi ne comptait plus... Au Québec, le statut officiel de l'anglais, autre que pour l'impression et la publication des lois, ainsi que pour les journaux et procès-verbaux de l'Assemblée nationale, n'était pas, lui non plus, explicite...

Les dirigeants du Barreau auraient même pu conseiller au gouvernement québécois (pas celui de Philippe Couillard, peut-être son successeur) de réadopter le texte original des articles 8, 9 et 10 de la Loi 101 pour que la Cour suprême soit appelée à les juger de nouveau. Dans nombre de cas, à mesure que la société, les moeurs, les opinions et le contexte politique changent, le plus haut tribunal du Canada a renversé ou modifié de vieilles décisions ne correspondant plus à l'humeur de l'époque. Le climat de 2018 est-il suffisamment différent de celui de 1979?

La mission du Barreau étant de protéger le public, il pourrait aussi nous mettre en garde congre ces magistrats qui, à l'occasion, se substituent aux législateurs. Dans un appel récent de la ville de Gatineau, le juges Jean-Yves Morissette a décrété que l'article de la Loi 101, tel qu'écrit, ne correspondait pas vraiment à l'intention de l'Assemblée nationale en 1977. Alors que le texte stipule qu'un employeur peut exiger la connaissance de l'anglais pour un poste seulement quand l'accomplissement de la tâche le «nécessite», ce juge de la Cour d'appel (encore un juge fédéral) a décidé qu'en réalité «nécessaire» signifiait «souhaitable», annulant à toutes fins utiles la valeur de l'article et ouvrant la porte à la généralisation du bilinguisme en milieu de travail. Où était le Barreau et où sera-t-il si l'affaire aboutit en Cour suprême?

Revenant au processus de préparation et d'adoption des lois, le Barreau prétend qu'il est «pratiquement unilingue» français avec une traduction à la fin. Cela n'est-il pas normal dans un État où le français est la seule langue officielle et où tous les parlementaires peuvent écrire et s'exprimer en français? En quoi cela viole-t-il le BNA Act (la version anglaise étant l'officielle) si les lois québécoises sont finalement imprimées et publiées dans les deux langues? Pense-t-on vraiment qu'au fédéral, où la fonction publique est tellement anglicisée que les francophones s'y assimilent à tour de bras, ces mêmes processus fonctionnent à égalité et en parallèle en français et en anglais? J'ai peine à le croire...

Comment expliquer qu'à Ottawa, avec des tonnes de juristes et 337 parlementaires au boulot, il y ait encore des lois importantes, y compris la Loi constitutionnelle de 1982, avec des différences de sens entre les versions anglaises et françaises? Un simple petit mot, «de», absent du texte anglais de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, a valu aux francophones hors Québec le plein contrôle de leurs réseaux scolaires de langue française! En anglais, l'article 23 mentionne les «minority-language educational facilities». En français, le texte évoque les «établissements d'enseignement de la minorité linguistique». Les juges de la Cour suprême ont décidé que le texte français était moins ambigu que l'anglais, et donc, que ces établissements n'étaient pas seulement «pour» la minorité linguistique, mais «de» la minorité linguistique..

Des juristes francophones combatifs étaient montés au front pour défendre la francophonie hors Québec. Je n'aurais pas voulu voir les dirigeants actuels des barreaux de Québec et de Montréal en première ligne à Saint-Denis ou à Saint-Eustache en 1837. Il n'y aurait jamais eu de combat. Ces «braves» auraient pactisé avec l'ennemi britannique avant même d'être attaqués...

Heureusement des avocats et avocates québécois semblent voir monter aux barricades contre leurs propres barreaux. Une vingtaine d'entre eux ont signé une lettre publique, publiée dans Le Devoir (bit.ly/2Hm0WJE), pour exiger que leurs dirigeants fassent marche arrière... C'est un début.

NB. Je ne suis pas un avocat, mais un journaliste... Je me suis limité à ce qui me semblait être le gros bon sens en tentant cette analyse. Probablement la mauvaise approche...




mardi 10 avril 2018

Les Franco-Ontariens se sont fait enfirouaper...

Image du site Web de l'Université de l'Ontario français


Si ce n'était pas si tragique, ce serait presque comique. Un tour de magie du gouvernement ontarien! Dans le chapeau des prestidigitateurs de Queen's Park, on met un vaste projet d'université pan-ontarienne de langue française, et pouf! il en ressort un tout petit mini-campus (aura-t-il même un bâtiment?) dans la région de Toronto... Pire, d'un coup de baguette additionnel ils réussissent à faire croire à l'ensemble des médias et des Franco-Ontariens qu'il s'agit bien de «l'Université de l'Ontario français» qu'on réclame depuis plus d'un demi-siècle...

On dirait que les francophones de l'Ontario se sont encore une fois fait «enfirouaper» par leurs «amis» politiques. Mais ce qui m'attriste le plus, c'est qu'ils semblent applaudir leur propre défaite bit.ly/2qjCsJM). Le gouvernement Wynne avait pourtant mis cartes sur table en 2014 quand il avait annoncé la formation d'un conseil de planification pour la future université franco-ontarienne. Il n'y aurait là-dedans rien de plus que des «mesures pour faciliter l'accès à l'éducation post-secondaire en français dans le centre et le sud-ouest de l'Ontario», c.-à-d. le corridor Toronto-London-Windsor.

Au début de 2017, déçus par ce détournement de projet, les trois organismes qui pilotent la cause d'une université de langue française - le RÉFO (Regroupement des étudiants franco-ontariens), la FESFO (Fédération de la jeunesse franco-ontarienne) et l'AFO (organisme parapluie de la collectivité franco-ontarienne) - ont rappelé avec énergie qu'ils voulaient un réseau universitaire complet, «par et pour» les francophones, un réseau qui régirait l'ensemble de l'offre universitaire, y compris celle des deux grandes universités bilingues, l'Université d'Ottawa et l'Université Laurentienne, où sont inscrits la grosse majorité des étudiants franco-ontariens qui poursuivent leurs études universitaires en français.

Ce fut le dernier sursaut, la dernière étincelle... Le dommage était déjà fait dans les médias, qui n'ont jamais très bien compris l'énorme fossé entre le projet RÉFO-FESFO-AFO et les pinottes offertes par Queen's Park. Dans l'ensemble de la presse écrite et des médias électroniques, du moins ceux qui se sont intéressés à cette historique revendication franco-ontarienne, il existe une confusion à peu près totale parce que peu de journalistes ont suivi le dossier depuis 2012, l'année du début de mobilisation du RÉFO. Pour les salles de rédaction, l'Université de l'Ontario français, c'est désormais le petit campus torontois, rien de plus...

Cette semaine, pour clouer le cercueil, le gouvernement Wynn a annoncé les membres du tout premier «Conseil des gouverneurs» du campus torontois alias Université de l'Ontario français. Radio-Canada faisait remarquer qu'aucun représentant du nord et de l'est de la province n'y siège, situation qu'a déplorée la députée néo-démocrate de Nickel Belt, France Gélinas... Pas surprenant, a répondu pour une nième fois la ministre des Affaires francophones, Marie-France Lalonde, «c'est un projet qui va se trouver dans le Centre-Sud-Ouest pour répondre à la demande de la communauté». Hé, le monde, c'est un projet local de la région torontoise. N'allez surtout pas mêler à ça les plus importants pôles universitaires de l'Ontario français...

Alors globalement tout le monde se dit heureux, même s'il y a des bémols ici et là. Le président de la FESFO y est allé d'un commentaire fort opportun, le seul du genre que j'ai trouvé: «Nous voulions depuis très longtemps une entité qui reflète l’ensemble de la province. Sans un conseil des gouverneurs provincial, ça devient difficile de représenter tous les Franco-Ontariens.» En effet!!! Pour sa part, le président de l'AFO, Carol Jolin, a dit espérer un développement de campus satellites dans d'autres régions de l'Ontario... 

La morale de cette histoire? Les deux monstres bilingues anglo-dominants d'Ottawa et de Sudbury, influents à Toronto, ont facilement écrabouillé une revendication historique tout à fait légitime des Franco-Ontariens: leur propre réseau universitaire, comme celui que les Anglo-Québécois ont toujours eu... C'est un scandale public, qui laisse indifférent l'ensemble de la presse anglophone et francophone (sauf quelques exceptions)... 

À moins d'une mobilisation de masse chez les étudiants franco-ontariens (sait-on jamais?), il ne reste qu'une stratégie: plusieurs neuvaines à St-Jude...




dimanche 8 avril 2018

Le Plan d'action fédéral sur les langues officielles... L'absence des médias...

Titre fantaisiste du Journal de Montréal. Il y a beaucoup de $ pour les Anglo-Québécois...


Comme d'habitude, la stratégie fédérale en langues officielles, un opus quinquennal qui sert essentiellement à renflouer les coffres d'organismes en milieu minoritaire et à envahir sans vergogne les compétences provinciales en éducation, en santé et en culture, a reçu une attention plus que mitigée des grands médias, francophones comme anglophones, lors de son dévoilement, fin mars.

Heureusement que la journaliste Mylène Crête, de la Presse canadienne, a pondu un texte relativement complet sur l'annonce de ce «Plan d'action pour les langues officielles 2013-2018» du gouvernement Trudeau, parce que l'immense majorité des quotidiens n'avaient affecté aucune ressource maison à cette couverture, pourtant fondamentale en matière de «bilinguisme» au sein de la fédération canadienne.

Le texte de Mme Crête a été reproduit dans Le Devoir, La Presse, Le Droit, Métro et je ne sais combien d'autres médias, qui n'ont pas jugé cette question suffisamment importante - ou trop compliquée - pour assurer une rédaction à interne. Le Journal de Montréal a également publié un court texte d'agence (QMI) avec un titre fantaisiste. Radio-Canada et TFO ont nettement assuré les meilleurs suivis. Je n'ai vu qu'un éditorial dans un quotidien, celui de Pierre Jury dans Le Droit.

Et comme c'est le cas dans la plupart des «feuilles de route» complexes, ce qu'on ne dit pas est souvent plus important que ce que l'on énonce clairement. J'ai tenté un simple exercice en épluchant le document de Patrimoine canadien intitulé Plan d'action pour les langues officielles 2018-2023: Investir dans notre avenir: essayer de savoir quelle proportion des 2,7 milliards de dollars du programme était destinée aux francophones hors Québec, et quelle part était réservée aux Anglo-Québécois...

Après avoir épuisé mes limites en additions, soustractions, multiplications et divisions plutôt confuses, j'ai fait ce que font sans doute de nombreux journalistes. J'ai téléphoné à l'équipe médias du ministère de Mélanie Joly et leur ai posé la question directement. On m'a demandé de formuler la question par écrit et de la leur expédier par courriel, ce que j'ai fait promptement, me disant qu'avec leurs puissants logiciels, un ordinateur ne tarderait pas à cracher la réponse.

Le lendemain, Patrimoine canadien m'a adressé ce nébuleux courriel. Je reproduis ici ma question et la réponse reçue:

Question: «Dans la première année (2018) du Plan d’action, est-il possible de savoir quels montants ou quelle proportion du total sont dirigés vers:
1) la francophonie hors-Québec
2) les Anglo-Québécois

Réponse: Il n’y a pas de règle générale, ou absolue, qui dicte le partage des sommes entre les communautés.  Selon des différents volets de programme, les ressources sont attribuées en se fondant sur l’historique de développement du réseau communautaire, l’évolution des besoins et les retombées attendues des investissements fédéraux.»

Vous y avez compris quelque chose? Moi pas... Je serais prêt à croire que cela pourrait avoir été rédigé par Mélanie Joly elle-même tellement le sens est obscur. Aurait-on offert une réponse aussi indigeste à un scribe de la Presse canadienne, de La Presse, du Devoir, du Journal de Montréal, de la Gazette ou du Globe and Mail? J'ai peine à la croire, mais je vais tout de même accorder le bénéfice du doute à Patrimoine canadien. Donc, ils n'en savent rien et n'ont aucun moyen de savoir... Ce n'est pas rassurant.

La réalité, la réalité crue, c'est qu'au Canada (et ici j'inclus le Québec), une seule langue décline: le français. Elle chambranle au Québec, se fait bousculer au Nouveau-Brunscick, mange des claques solides en Ontario et agonise ailleurs au pays. Au Québec, entretemps, l'anglais fait des gains partout, même chez les francophones. Mais cette situation ne correspond pas à la mission de Patrimoine canadien, qui persiste à vouloir mettre sur un pied d'égalité les difficultés rencontrées par les francophones hors Québec et les Anglo-Québécois.

Alors, sans que les savants bonzes de Patrimoine canadien ne puissent nous donner des montants même approximatifs, le Plan d'action pour les langues officielles prévoit des sommes importantes pour soutenir des réseaux anglophones déjà surfinancés au Québec et même, pour accélérer l'apprentissage de l'anglais chez les Franco-Québécois. Combien, exactement? Impossible de le savoir, mais une chose est sûre: rien n'est prévu pour protéger le français, pourtant une langue officielle, sur le territoire québécois...

L'argumentaire de Patrimoine canadien pour soutenir les Anglo-Québécois est faible au point d'être risible, mais quand on n'a que ça, il faut s'en servir. Devant le déclin dramatique de la francophonie hors Québec (de 6,1% en 1971 à 3,0 en 2036 selon les prévisions) et la stagnation, voire le déclin, du taux de bilinguisme chez les Anglo-Canadiens, tout ce qu'on trouve comme problème pour les anglophones du Québec, c'est ce qui suit: «Les membres des communautés anglophones du Québec, notamment ceux vivant à l'extérieur du Grand Montréal, ont mentionné les défis particuliers que présente le maintien d'une vie communautaire.» Il faut du culot pour mettre une telle insignifiance en parallèle avec la menace d'extinction de la francophonie dans plusieurs provinces anglaises.

Si au moins ces minuscules collectivités anglophones hors-Montréal étaient véritablement en danger, on pourrait s'émouvoir un brin... Mais c'est faux! Dans des municipalités comme New Carlisle (Gaspésie), Grosse-Île (Îles de la Madeleine), Blanc-Sabon (Basse-Côte-Nord), Bristol et Clarendon (Pontiac), mentionnées comme exemple, ce sont les francophones qui se font assimiler. Les recensements de 2011 et de 2016 sont très clairs là-dessus. Les politiciens et commentateurs ne se donnent même pas la peine de vérifier les données du recensement, seuls indicateurs fiables de la dynamique linguistique de ces régions québécoises.

Le Québec offre aux anglophones des services de santé en anglais immensément supérieurs àa ceux que proposent les provinces anglaises dans des régions où les collectivités francophones représentent une infime minorité de la population. Pourtant, le Plan d'action sur les langues officielles présente «une augmentation du financement à hauteur de 3,5 millions de dollars sur cinq ans sera fournie au Réseau communautaire de santé et de services sociaux pour l'ajout de 3 nouveaux réseaux de santé anglophones aux 20 réseaux existants et de 10 réseaux satellites dans les régions rurales et éloignées du Québec qui ont peu d'accès ou n'en ont aucun. L'élargissement des réseaux permettra de couvrir des régions telles que le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Mauricie-Centre-du-Québec, et Montérégie-Centre».

Dans une région comme le Saguenay, les anglophones représentent à peine 1% de la population... Dans une municipalité hors Québec où les francophones formeraient 1% de la population, on ne songerait même pas offrir des services en français... On s'attendrait, normalement, que les francophones puissent communiquer en anglais, langue commune d'une province anglophone. Au Québec, dans les régions où les anglophones affichent une présence marginale, il serait tout aussi normal pour eux d'utiliser la langue commune, le français, et non se faire subventionner pour imposer l'anglais à la majorité.

Près de 20% (235 millions $ pas année) des fonds du Plan d'action pour les langues officielles sont destinés à l'apprentissage de «la langue de la minorité» ou de «la langue seconde». Au Québec, cela signifie qu'annuellement, quelque 46 millions de dollars sont affectés à la promotion de l'anglais pour les anglophones (qui n'en ont pas besoin) et plus de 18 millions au perfectionnement en anglais des francophones (qui n'en ont surtout pas besoin). Plus de 320 millions $ sur cinq ans pour contribuer à l'anglicisation du Québec, alors que la langue officielle menacée, c'est le français... Incroyable!

Est-ce trop espérer que nos grands médias finissent par faire leur boulot, et fouiller cette affaire de façon à faire comprendre les chiffres et les enjeux à leurs lecteurs et auditeurs? Ou est-ce plus simple de laisser une journaliste de l'agence Presse canadienne rédiger un texte que tous utiliseront, plus ou moins, pour ensuite enterrer la question jusqu'au prochain Plan d'action en 2023? Les francophones du Québec et d'ailleurs au Canada méritent mieux...